Fait peu banal dans la littérature jeunesse, un album de bande dessinée est promis au pilon après des accusations de représentation raciste. Filiale du groupe Média Participations, la maison d’édition franco-belge Dupuis a décidé, jeudi 31 octobre, de retirer de l’ensemble de ses points de vente une aventure de Spirou, Spirou et la Gorgone bleue, scénarisée par Yann et dessinée par Dany, à la suite d’une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Publiée en septembre 2023, l’histoire montre des personnes noires aux traits simiesques et stéréotypés (lèvres surdimensionnées, mâchoires prognathes…), selon les détracteurs de cet ouvrage traitant de l’écologie à travers les thèmes du greenwashing ou de l’écolo-terrorisme.
Dupuis a assorti sa décision d’un message d’excuse, publié sur X : « Nous sommes profondément désolés si cet album a pu choquer et blesser. Cet album s’inscrit dans un style de représentation caricatural hérité d’une autre époque. Plus que jamais conscients de notre devoir moral et de l’importance que représente la bande dessinée en tant qu’éditeur et plus largement le livre dans l’évolution des sociétés, nous prenons en ce jour la pleine responsabilité de cette erreur d’appréciation. » Pilier du journal Spirou, dans les pages duquel il a notamment créé le personnage d’Olivier Rameau à la fin des années 1960, Dany (Daniel Henrotin) s’est, lui, défendu de toute intention raciste, plaidant la caricature.
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Dans une interview donnée à Paris Match il y a un an, le dessinateur belge avait expliqué avoir dû reprendre, à la demande de son éditeur, des femmes noires « parce qu’on [lui] disait qu’elles avaient des grosses lèvres ». Des griefs de représentation hypersexualisée des femmes ont également été prononcés à son encontre sur les réseaux sociaux, rappelant ceux qui, il y a deux ans, avaient accompagné la polémique autour de Bastien Vivès, accusé de faire l’apologie de la pédophilie en marge de l’exposition que devait lui consacrer le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Que Dany, 81 ans, soit l’un des dessinateurs préférés de Bastien Vivès n’est peut-être pas étranger au déclenchement de cette affaire.
Celle-ci, cela dit, n’est pas la première concernant la représentation graphique des personnes noires. En 2019, deux signataires d’une tribune publiée dans L’Obs avaient demandé que soit retirée des murs du Palais-Bourbon à Paris une fresque du peintre Hervé Di Rosa commémorant l’abolition de l’esclavage sur laquelle apparaissent deux personnages aux grosses lèvres rouges. L’artiste avait réfuté tout procès en « banalisation du racisme », expliquant que la bouche de tous ses personnages était dotée des mêmes caractéristiques, quelle que soit leur couleur de peau. L’Assemblée nationale s’était alors contentée de retirer la photo du tableau de son site internet.
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