L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Que se passerait-il si l’on filmait une fête et ses préparatifs du point de vue d’une enfant, qui ne comprend pas tout de la vie, ni du langage des adultes ? A quels détails s’attacherait la caméra, comment la fillette s’occuperait-elle en attendant le soir, que les lumières s’allument, que les amis arrivent, que son père gravement malade se montre, enfin ? Toutes ces questions irriguent la mise en scène volubile de Totem, second long-métrage de la réalisatrice mexicaine Lila Avilés, née en 1982 – son premier « long », La Camarista (2018), était inspiré du journal de Sophie Calle, L’Hôtel (Ed. de l’Etoile, 1984).
Le temps d’une journée, un peu bizarre, Sol (Naima Senties), fillette de 7 ans, comprend que son père, Tona (Mateo Garcia Elizondo), dont on fête l’anniversaire, va bientôt mourir. Agé de la trentaine, celui-ci est atteint d’une maladie que l’on devine être un cancer. Le suspense, et c’est la force du dispositif, tient dans ces heures qui précèdent la soirée et trottent dans le cœur de Sol. La cinéaste les saisit dans un cadre resserré (quatre sur trois), au plus près du visage de l’enfant et des doutes qui s’immiscent en elle.
Silence et douceur
Tout ou presque se joue dans la maison familiale. Tona, artiste peintre, complètement affaibli, vit reclus dans une chambre. Le reste de la famille s’active, à faire un gâteau, à passer l’aspirateur… Sol et sa maman sont arrivées le matin, en voiture – après une scène d’ouverture gratinée dans les toilettes publiques, sur le trajet, la petite scotchée sur la cuvette, la mère n’en pouvant plus d’attendre son tour.
Sélectionné en compétition à la Berlinale, en 2023, Totem est cru, vivant, jamais sinistre. Une fois dans la maison, l’enfant ne sait pas où se mettre, tel un paquet encombrant au milieu de l’effervescence. On la félicite pour sa perruque frisée de clown – car la petite a préparé un spectacle pour son père. Celui-ci est tout près, derrière une cloison, mais Sol ne peut pas aller le voir. Le spectateur, si : on entrevoit Tona, corps christique, beau visage mangé par une barbe, dans ses tentatives de se lever, de se doucher. Beaux moments de silence et de douceur aux côtés d’une proche (Teresa Sanchez) lui prodiguant des soins.
Lila Avilés filme l’ennui, ce temps qui s’écoule trop lentement pour la fillette. On se faufile à ras du sol, sous la table, où elle se réfugie, puis au milieu des coussins du canapé que la petite a réagencés pour se fabriquer un abri. Un autre monde, près de la porte-fenêtre entrouverte, où passent l’air… et les petites bêtes.
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