Une coalition de groupes hostiles au régime de Bachar Al-Assad, emmenée par les islamistes radicaux de Hayat Tahrir Al-Cham (Organisation de libération du Levant, HTC), s’est emparée de la majeure partie d’Alep, deuxième ville de Syrie, et de son aéroport, dans le cadre d’une offensive éclair qui a fait plus de 327 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
L’organisation, proche de l’opposition, qui dispose d’un vaste réseau de sources sur place, a signalé des raids aériens de l’armée russe, avant l’aube, à Alep, un fait sans précédent depuis que les forces fidèles à Bachar Al-Assad ont repris la ville aux rebelles, en 2016.
Samedi après-midi, 16 civils ont été tués dans un raid aérien « probablement » mené par l’aviation russe contre des « véhicules civils » dans un secteur d’Alep aux mains des insurgés, toujours selon l’OSDH.
Les hostilités avaient globalement cessé entre les belligérants soutenus par différentes puissances régionales et internationales aux intérêts divergents dans cette guerre civile qui a éclaté en 2011. Avec l’appui militaire crucial de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah, le régime de Bachar Al-Assad a reconquis la majeure partie du pays en 2015 et la totalité d’Alep, dans le Nord-Ouest, l’année suivante, mais de vastes régions lui échappent encore.
Les rebelles islamistes contrôlent des pans entiers de la province d’Idlib et des secteurs de la province voisine d’Alep, ainsi que de celles de Hama et de Lattaquié. De vastes régions du nord-est du pays sont, par ailleurs, aux mains des forces kurdes syriennes.
Entrés vendredi à Alep, « le HTC et les factions alliées ont pris la majeure partie de la ville, des bâtiments gouvernementaux et des prisons », d’après l’OSDH. Sur place, ces combattants ont célébré leur entrée dans la ville, certains posant devant la citadelle historique, d’autres plantant leur drapeau devant un poste de police arborant un grand portrait de M. Al-Assad, selon des correspondants de l’Agence France-Presse (AFP) sur place.
L’armée syrienne a confirmé la présence de rebelles dans de « larges parties » d’Alep et fait état de « dizaines » de morts et de blessés. Selon un dernier bilan de l’OSDH, les combats ont fait 183 morts parmi les rebelles, 100 dans les rangs des forces gouvernementales et 44 parmi les civils. « La plupart des civils restent chez eux et les institutions publiques et privées sont presque complètement fermées », selon la radio progouvernementale Sham FM.
D’après le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, les groupes rebelles, dont certains sont soutenus par la Turquie, ont rapidement pris de vastes secteurs d’Alep sans rencontrer de résistance significative. « Il n’y a pas eu de combats » et les forces du régime, ainsi que « le gouverneur d’Alep et les commandants de la police et de la sécurité se sont retirés du centre-ville », a-t-il ajouté.
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L’offensive a aussi permis aux rebelles de conquérir une cinquantaine de localités, dont la cité-clé de Saraqeb, au sud d’Alep, à l’intersection de deux autoroutes reliant Damas à Alep et à Lattaquié, selon l’OSDH. « Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise », estime Dareen Khalifa, experte de l’International Crisis Group.
L’Iran invite la Russie à une action coordonnée
Le chef du « gouvernement » proclamé par le HTC à Idlib, Mohammad Al-Bachir, a affirmé jeudi que l’offensive avait été lancée après que « le régime a massé des forces sur les lignes de front et bombardé les zones civiles ». L’armée turque, qui contrôle plusieurs zones du Nord syrien, avait appelé vendredi à mettre « fin » aux « attaques » à Idlib et dans sa région après une série de raids des aviations russe et syrienne. L’armée russe avait annoncé, vendredi, que son aviation bombardait des groupes « extrémistes » en Syrie, en soutien aux forces du régime.
Au cours d’un entretien téléphonique, les chefs de la diplomatie russe et turc, Sergueï Lavrov et Hakan Fidan, « ont exprimé leur vive inquiétude face à l’évolution dangereuse de la situation en Syrie, liée à l’escalade militaire dans les provinces d’Alep et d’Idlib », selon le ministère des affaires étrangères russe.
Le ministre des affaires étrangères iranien, Abbas Araghchi, qui s’est également entretenu avec Sergueï Lavrov, a, quant à lui, plaidé samedi pour une « coordination » entre Téhéran et Moscou, tous deux alliés de Damas, afin de « neutraliser ce dangereux complot et de contrecarrer les actions des groupes terroristes en Syrie et dans la région ». Il se rendra dimanche en Syrie, a annoncé son ministère. Il se rendra ensuite en Turquie pour des « concertations sur les questions régionales, en particulier les récents développements », a ajouté dans un communiqué le ministère des affaires étrangères iranien.
Le nord-ouest de la Syrie bénéficiait ces dernières années d’un calme précaire rendu possible par un cessez-le-feu instauré à la suite d’une offensive du régime, en mars 2020, et parrainé par Moscou et Ankara. L’offensive rebelle a été lancée le jour où un accord de cessez-le-feu a été annoncé entre le Hezbollah et Israël, en guerre ouverte depuis plus de deux mois. Israël a également bombardé des sites du Hezbollah en Syrie.
La guerre civile complexe qui a éclaté en mars 2011 en Syrie a fait un demi-million de morts et des millions de déplacés.