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Histoires Web lundi, mai 13
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Il y a quatre-vingts ans, l’article 17 de l’ordonnance du Comité français de la libération nationale octroyait le droit de vote aux Françaises. C’était le 21 avril 1944, bien après la plupart de leurs voisines européennes, bien après les Nord-Américaines ou les Néo-Zélandaises, pionnières en la matière, avec un droit acquis dès 1893.

La Finlande a fait entrer l’Europe dans la modernité démocratique en 1906. L’Uruguay ouvre le bal des Amériques en inscrivant le droit de vote égalitaire dans sa Constitution en 1917. En Asie, la Mongolie a permis aux femmes de voter en 1923. Dans chacun de ces pays, ce droit a été acquis après des décennies de lutte de la part des femmes. « Les hommes n’accordent pas de droit sans rapport de force », rappelle Florence Rochefort, chercheuse au CNRS spécialisée dans l’histoire des féminismes.

En France, Olympe de Gouges se saisit du sujet dès 1791. En 1848, les hommes acquièrent un suffrage qui n’a d’universel que le nom : les femmes en sont exclues. Elles n’ont pas leur place dans la société, mais juste au sein de la famille. Des femmes protestent pendant près d’un siècle. Parce qu’elles veulent démentir l’argumentaire d’une immaturité psychique qui les empêcherait de voter intelligemment, ces féministes françaises n’embrassent pas la violence des suffragettes britanniques.

Car oui, celles qui se battent à travers le monde pour ce droit s’observent. « Le succès dans un pays aide les militantes ailleurs dans leurs mobilisations et leurs argumentaires », résume Françoise Thébaud, historienne et coautrice des Féminismes. Une histoire mondiale (Textuel, 360 p.).

Un droit de vote ouvert aux femmes mais pas toujours pour toutes

Globalement, « quand les femmes accèdent au droit de vote, c’est à l’occasion d’un grand bouleversement sociétal dans leur pays », résume Anne-Sarah Moalic, docteure en histoire contemporaine à l’université de Caen. La fin des première et seconde guerres mondiales, l’effondrement des empires germanique et prussien ou la fin de l’apartheid sont autant de moments charnières de la lutte des femmes dans ce domaine.

Le droit de vote ouvert aux femmes n’est pas toujours celui de toutes les femmes. Celui-ci a souvent été conditionné au statut social, au niveau d’éducation, à l’âge ou encore à la fortune, notamment. L’inclusion des femmes autochtones est encore moins évidente. En Australie, seules les femmes blanches obtiennent le droit de vote en 1902. Pas les Aborigènes – ni les femmes ni les hommes. Au Canada, si les femmes blanches l’acquièrent en 1918, celles d’origine asiatique ne peuvent l’exercer que trente ans plus tard ; les Inuits, tous genres confondus, l’obtiennent en 1950 ; les autres peuples premiers, dix ans plus tard.

En Afrique du Sud, les anciennes colonies néerlandaises votent dès 1930 ; les métisses et les indiennes, un demi-siècle après ; la fin de l’apartheid en 1994 l’ouvre enfin aux femmes et aux hommes de couleur. « Entre colons et colonisés, les empires maintiennent encore une distinction », complète Anne-Sarah Moalic. Et les raisons avancées sont multiples : éducation, culture, religion, vision de la famille…

Aujourd’hui, quelques pays résistent encore. Dans la monarchie absolue de Brunei, personne n’a de voix électorale. Au Yémen, comme en Afghanistan, les femmes l’ont perdue. En Corée du Nord, même si elles l’ont acquise en 1948, il n’existe qu’une option de vote : le parti de Kim Jong-un. « Là où un régime autoritaire s’installe, le droit de vote est perdu, analyse Florence Rochefort. C’est parce qu’on sent aujourd’hui les démocraties en danger que l’on s’intéresse à leurs fondements. La citoyenneté en est un. »

Le Monde

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Célébrer les quatre-vingts ans de l’ouverture du droit de vote aux Françaises est un phénomène récent. Nos sociétés démocratiques, en bascule depuis les vagues #metoo, cherchent à créer ce qu’appelle l’historienne du CNRS une « mémoire commune du féminisme », puisque les « libertés d’aujourd’hui sont le résultat des débats et des combats d’hier ».

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