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Ysaora Thibus va livrer, lundi 13 mai, le combat le plus important de sa carrière. La Française de 32 ans doit expliquer devant le tribunal disciplinaire de la Fédération internationale d’escrime (FIE) pourquoi de l’ostarine, une substance anabolisante, a été détectée dans son corps lors d’un contrôle antidopage réalisé à la mi-janvier.

La championne du monde 2022 de fleuret en individuel, qui représente l’une des meilleures chances de médaille d’or pour l’escrime tricolore aux Jeux olympiques de Paris, abat devant ses pairs l’une de ses dernières cartes pour espérer concourir sous la coupole du Grand Palais le 28 juillet.

Qu’est-il reproché à Ysaora Thibus ?

L’escrimeuse est suspendue provisoirement depuis le 8 février à la suite d’un contrôle antidopage positif à l’ostarine réalisé lors du challenge Mazars, à Paris, le 14 janvier. Détectée au début des années 2010 dans le sport international, cette substance anabolisante – qui augmente donc la masse musculaire – est interdite depuis 2015 par l’Agence mondiale antidopage (AMA). Elle s’administre par voie orale (comprimé, gélule, liquide).

L’ostarine a certes été détectée en petites quantités dans l’organisme d’Ysaora Thibus, mais la règle est claire : il y a violation de la législation antidopage dès lors que des traces, mêmes infinitésimales, sont retrouvées, et même si le sportif a fait preuve de négligences ou affirme ne pas avoir absorbé intentionnellement le produit dopant ; ces deux derniers cas peuvent toutefois atténuer la peine encourue.

En vertu du principe propre à la lutte antidopage de la responsabilité objective, le sportif est tenu responsable des substances retrouvées dans son corps. Il lui revient donc de prouver qu’il ne s’est pas dopé. Une tâche difficile, tant repose sur l’athlète une forme de « présomption de culpabilité ».

Quelle est la défense de l’escrimeuse ?

La tireuse, qui, dans un communiqué le 20 février, a nié « avec la plus grande fermeté [s]’être administrée la moindre substance dopante », plaide la contamination par « échange de fluides corporels » avec son compagnon, l’ancien fleurettiste américain Race Imboden. Dès l’annonce de son contrôle positif, la vice-championne olympique 2021 par équipes avait renoncé à l’analyse de l’échantillon B, afin de « présenter sa défense dans le cadre d’une procédure accélérée », seule chance pour elle de participer aux Jeux de Paris.

Ysaora Thibus doit prouver au tribunal disciplinaire de la FIE que les concentrations d’ostarine détectées dans son corps sont si faibles qu’elles ne peuvent être le fait de prises répétées, caractéristique d’une pratique dopante. Mais elles peuvent être les résidus d’un produit dopant en cours d’élimination. Pour écarter cette possibilité, les analyses capillaires – véritable « carbone 14 » de l’antidopage – de l’athlète doivent se révéler négatives.

Il lui faut également prouver que son partenaire en contient des quantités suffisamment importantes pour déterminer qu’il est bien la source de la contamination.

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C’est ce qu’elle s’est employée à démontrer. Pour sa défense, la Française s’est attaché les services d’un duo d’experts scientifiques reconnus, Gérard Dine et Jean-Claude Alvarez. Directeur du laboratoire de toxicologie de Garches (Hauts-de-Seine), le professeur Alvarez a notamment permis à la Roumaine Simona Halep, ancienne numéro un mondiale de tennis, de voir sa peine réduite à neuf mois de suspension après un contrôle positif au roxadustat.

Selon le clan Thibus, Race Imboden aurait donc ingurgité un complément alimentaire qui contenait de l’ostarine avant de contaminer sa partenaire. Le 7 mai, le journal L’Equipe expliquait comment l’escrimeuse et ses proches ont reconstitué heure par heure, comme pour une scène de crime, la journée du 14 janvier pour accréditer la thèse de la contamination involontaire.

Quelle sanction risque la fleurettiste ?

La cheffe de file de l’équipe féminine de fleuret risque jusqu’à quatre ans de suspension, selon le code mondial antidopage, qui fixe les sanctions en fonction de la nature des produits dopants. L’ostarine est une substance dite « non spécifiée » selon l’AMA, c’est-à-dire qui ne peut être prise par erreur ou par inadvertance. En cas de prise avérée, la sanction applicable est donc plus lourde que pour une substance dite « spécifiée ».

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Une suspension de quatre ans – réduite à trois si l’athlète reconnaît la violation des règles antidopage – serait probablement synonyme de retraite sportive anticipée pour la Guadeloupéenne, pour qui les Jeux de Paris représentent le dernier grand objectif de carrière.

En revanche, si Ysaora Thibus parvient à prouver la contamination par un tiers – un moyen de défense « à la mode » dans le monde du dopage –, elle pourrait voir sa sanction réduite, voire annulée. L’argument avait permis à la vice-championne olympique de canoë en ligne canadienne Laurence Vincent-Lapointe et à la joueuse américaine de softball Madilyn Nickles de voir leurs suspensions levées en 2020, après des contrôles positifs au ligandrol, un agent anabolisant de la même famille que l’ostarine.

L’argument de la contamination croisée (un baiser) avait également permis au joueur de tennis Richard Gasquet d’être blanchi après un contrôle positif à la cocaïne en 2009.

A-t-elle une chance de participer aux Jeux ?

Première victoire pour la Française : elle a réussi à réduire le délai de six mois maximum du tribunal disciplinaire de la FIE pour tenir une audience. Le temps n’en est pas moins compté pour la fine lame tricolore. Car la FIE ou l’Agence mondiale antidopage – critiquée ces derniers jours pour sa complaisance supposée à l’égard de nageurs chinois – pourraient faire appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) d’une éventuelle décision favorable à Ysaora Thibus.

Rien ne garantirait alors que le TAS instruise son dossier avant le 5 juillet, date à laquelle la Fédération française d’escrime a repoussé l’annonce de la sélection de fleuret féminin ; soit juste avant la validation, le 8 juillet, de la liste complète de la délégation tricolore aux Jeux.

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Des spécialistes de l’antidopage se montrent également sceptiques sur la défense avancée par Ysaora Thibus. Comment Race Imboden, avec son passé d’ancien escrimeur international, a-t-il pu ignorer qu’il risquait de contaminer sa partenaire en consommant des compléments alimentaires contenant de l’ostarine, se demande le docteur Jean-Pierre Mondenard. D’autant que l’Américain est aussi l’un des coachs de la championne. La contamination par conjoint est « un risque connu depuis des années », soutient le spécialiste des questions de dopage, selon qui l’argument n’est « plus recevable ».

Enfin, dans quelles conditions physiques et psychologiques Ysaora Thibus aborderait-elle les Jeux si elle venait à être blanchie ? Sa suspension provisoire lui interdit de s’entraîner dans les structures fédérales – elle continue de le faire au sein de sa propre cellule d’entraînement – et de se mesurer à la concurrence internationale lors de compétitions préparatoires.

L’affaire semble déjà entendue pour un cadre sportif français, résigné : « Ça fait chi…, ça fait une médaille d’or en moins. »

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