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Histoires Web dimanche, juin 16
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Aéroport de Sabetta, dans le Grand Nord russe, en décembre 2017. Température : –30 degrés Celsius. Le site n’accueille que des voyageurs très particuliers : ceux qui se rendent sur l’un des sites gaziers les plus spectaculaires au monde, Yamal LNG, propriété de l’entreprise française Total et de son partenaire russe Novatek. Sur le tarmac balayé par un vent glacial, le patron de Novatek, Leonid Mikhelson, accueille chaleureusement Patrick Pouyanné, le PDG de Total – qui ne s’appelle pas encore TotalEnergies.

Parmi les passagers du jet privé de la compagnie, aux côtés des dirigeants du géant pétrogazier, se trouve un voyageur pas comme les autres : Jean-Pierre Chevènement. L’ancien ministre est alors représentant de la France pour la Russie, au nom de la diplomatie économique. Après le discours d’inauguration de Vladimir Poutine, il se dirige vers l’estrade, et met face à face le président de Total et le président russe, qui échangent quelques mots. A quelques mètres, l’ambassadrice de France à Moscou applaudit à tout rompre le lancement d’un projet sous sanctions américaines et financé essentiellement par des banques chinoises.

La scène illustre les ambiguïtés de la diplomatie économique de la France quand il s’agit de soutenir TotalEnergies dans sa conquête de marchés à l’étranger. Le plus haut sommet de l’Etat et l’une des plus grosses entreprises françaises entretiennent, de longue date, une relation étroite. Au prix de contradictions de plus en plus visibles, alors que la France s’affiche comme une championne de la lutte contre le dérèglement climatique.

Du « compagnonnage »

Le Monde a pu interroger plus de quarante diplomates, anciens ministres et dirigeants de l’entreprise pour comprendre à quel point ce « compagnonnage », selon le terme employé par des ambassadeurs, joue sur les choix stratégiques de l’exécutif – tous ont demandé l’anonymat pour respecter leur devoir de réserve.

TotalEnergies n’est pas une entreprise comme les autres : présente dans plus de 120 pays, elle déploie un réseau d’influence parfois équivalent à celui du Quai d’Orsay. Et pour ce faire, elle sait recruter les meilleurs experts. Une large part de la direction des affaires internationales de Total est menée… par des diplomates ou d’anciens diplomates. Parmi les 300 dirigeants du groupe figurent une trentaine d’ex-hauts fonctionnaires ayant exercé des fonctions de premier plan, estime l’entreprise elle-même. Au cours des dix dernières années, plus de cinquante anciens hauts responsables dans les services de l’Etat ont occupé des postes de dirigeants chez TotalEnergies, a recensé Aria, une ONG spécialisée dans les enquêtes sur l’énergie et l’environnement.

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