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La décision fait suite à une vive controverse mettant en doute l’origine de la photographie The Terror of War (« la terreur de la guerre »), plus connue sous le nom de « la petite fille au napalm ». World Press Photo, qui avait attribué son prix annuel de 1973 au photographe vietnamien Nick Ut de l’agence Associated Press (AP) pour ce cliché entré dans l’histoire, a annoncé, vendredi 16 mai, suspendre l’attribution de la paternité de la photographie, « aujourd’hui sérieusement remise en question ».

« Un documentaire récent réalisé par la VII Foundation affirme que Nick Ut n’est pas l’auteur de la photo (…) Cela a suscité une profonde réflexion au sein de World Press Photo et une enquête ultérieure entre janvier et mai 2025 concernant la paternité de la photo », ont déclaré les responsables du prestigieux concours de photographie, dans un communiqué.

Partageant les résultats de l’enquête interne « menée sous la supervision et les conseils de World Press Photo », le concours affirme « partage[r] l’analyse selon laquelle, sur la base de l’analyse de l’emplacement, de la distance et de l’appareil photo utilisé ce jour-là, les photographes Nguyen Thanh Ngh ou Huynh Cong Phuc pourraient avoir été mieux placés pour prendre la photo, plutôt que Nick Ut ». « Par conséquent, nous avons suspendu l’attribution de La Terreur de la guerre à Nick Ut à partir d’aujourd’hui ».

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Documentaire accusateur et contre-enquête

La photo en noir et blanc de cette petite fille vietnamienne gravement brûlée, courant nue sur une route après un bombardement au napalm à Trang Bang, dans le sud du pays, en 1972, avait contribué à changer la perception mondiale de cette guerre et demeure, plus de cinquante ans plus tard, un symbole de ses horreurs.

Joumana El Zein Khoury, directrice exécutive du concours, citée dans le communiqué de vendredi, estime ainsi que « la photographie elle-même reste incontestée et que le prix World Press Photo décerné à cette photo significative d’un moment important de l’histoire du XXe siècle reste un fait ».

« Cette question reste controversée, et il est possible que l’auteur de la photographie ne soit jamais pleinement confirmé », est-il écrit, mais « la suspension de l’attribution de la paternité est maintenue jusqu’à preuve du contraire ». Les détails de l’enquête conduite sous l’égide du concours seront dévoilés samedi, lors d’une conférence de presse à Amsterdam.

Le photographe Nick Ut, lauréat des prix Pulitzer et World Press Photo pour sa photographie dite de « la fille au napalm », tient la célèbre photographie dans ses mains, alors qu’il attend de rencontrer le pape François, au Vatican, le 11 mai 2022.

A la fin de janvier, la projection du documentaire The Stringer (« le pigiste »), de Bao Nguyen, au festival américain de Sundance avait mis le monde du photojournalisme en ébullition en contestant la paternité de cette photo parmi les plus célèbres du monde. Le film affirme que ce cliché, symbole des souffrances de la guerre au Vietnam, n’avait pas été pris par Nick U, âgé aujourd’hui de 74 ans et également lauréat du prix Pulitzer, mais par un autre photographe vietnamien indépendant inconnu, Nguyen Thanh Nghe, installé depuis aux Etats-Unis.

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Carl Robinson, à l’époque éditeur photo à Saïgon pour AP, y déclare notamment avoir menti et modifié la légende de l’image sur ordre de son rédacteur en chef, Horst Faas. « Nick Ut m’a accompagné sur le terrain. Mais ce n’est pas lui qui a pris cette photo… C’est moi », affirme, de son côté, Nguyen Thanh Nghe dans le film.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés La photo de « la petite fille au napalm » au cœur d’une polémique

AP continue de créditer son photographe

Après une enquête de près d’un an, AP a, de son côté, publié, au début de mai, un rapport de 97 pages, dans lequel elle affirme qu’« il n’y a pas de preuve définitive, selon [ses] standards, pour modifier le crédit de cette photo de cinquante-trois ans », qu’elle continue donc de créditer à Nick Ut, qui récuse aussi toutes les accusations. « L’analyse visuelle approfondie d’AP, des entretiens avec les témoins et l’examen de toutes les photos disponibles prises le 8 juin 1972 montrent qu’il est possible qu’Ut ait pris cette photo. Aucun de ces éléments ne prouve que quelqu’un d’autre l’a fait », estime l’agence de presse.

Mais « notre enquête soulève des questions importantes, auxquelles nous ne pourrons peut-être jamais répondre », car « cinquante ans ont passé, de nombreuses personnes impliquées sont mortes et la technologie a ses limites », ajoute toutefois l’agence de presse américaine.

Selon elle, il est « probable » que la photo ait été prise avec un appareil Pentax, tandis que Nick Ut avait affirmé dans plusieurs interviews qu’il travaillait ce jour-là avec deux appareils Leica et deux Nikon. « L’histoire veut qu’Ut ait pris la photo avec un appareil Leica. L’enquête d’AP a montré que c’était très peu probable. Mais Ut avait aussi pour habitude d’utiliser d’autres appareils, notamment des Pentax hérités de son frère décédé », y affirme encore AP.

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Le Monde

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