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Le sévère recadrage auquel a procédé le président de la République, mercredi 21 mai, lors d’un conseil de défense et de sécurité nationale, a mis provisoirement fin à l’indécente escalade politique à laquelle a donné lieu la diffusion d’un rapport sur l’influence des Frères musulmans en France commandé au printemps 2024 par Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur. Sans attendre la tenue de ce conseil, le successeur de ce dernier, Bruno Retailleau, fraîchement élu à la tête du parti Les Républicains, avait cru bon d’exploiter ce moment pour prouver que sa main ne tremble pas à propos d’un sujet qui hante l’extrême droite et la droite françaises autant qu’il lui sert de carburant électoral.

Fuite organisée de certains extraits du rapport dans Le Figaro, mise en exergue par ce journal d’un « pays rongé de l’intérieur par l’idéologie frériste », la mise en scène était destinée à mettre en majesté la riposte du ministre de l’intérieur. Le chef de l’Etat a prié M. Retailleau de revoir sa copie et d’aborder plus sérieusement la question. Laisser la surenchère politique prospérer et les tensions s’exacerber sur un sujet aussi sensible est le meilleur moyen de ne pas le traiter correctement.

Selon le rapport rédigé par un diplomate et un préfet après une série d’auditions, la menace que représente à terme « pour la cohésion nationale » l’islamisme politique véhiculé en France par la mouvance des Frères musulmans est une « réalité ». Ces derniers, selon le document, utilisent « la dissimulation, la victimisation et la quête de légitimation » pour faire avancer leur idéologie, caractérisée notamment par la « prééminence de la loi coranique sur la loi de la République », l’« infériorisation de la femme », l’« incapacité à concevoir l’altérité » et l’« antisionisme, voire [l’]antisémitisme ».

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Mais, plutôt que par des discours tonitruants et des actions spectaculaires, la mouvance agit sur le long terme, en organisant des activités éducatives, sociales et culturelles, et par « une pression croissante parfois violente auprès des exécutifs locaux ». A l’approche des élections de mars 2026, la dénonciation de cet « entrisme » municipal constitue, avec la montée des influenceurs véhiculant un islam hostile aux valeurs communes, le principal message du document critiqué par certains spécialistes pour la focalisation qu’il déclenche sur une mouvance considérée comme vieillissante et en déclin.

Des pistes intéressantes

Toute la question est de savoir comment contrer ce travail de sape sans stigmatiser les quelque 7,5 millions de personnes se déclarant musulmanes en France. Certainement pas en confortant les réflexes conditionnés de la droite qui tend à présenter chaque personne issue de l’immigration comme un islamiste en puissance, ou des « insoumis » qui voient une victime derrière chaque musulman. Sortir de cette double instrumentalisation suppose de reconnaître l’extrême diversité des musulmans – seuls 20 % fréquentent un lieu de culte –, d’admettre que l’islam est une religion française et d’être clair sur le fait que la laïcité n’est pas dirigée contre les musulmans mais vise à permettre l’exercice de tous les cultes et leur cohabitation.

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Le rapport esquisse des pistes intéressantes, comme la nécessité d’un discours renouvelé sur la République non limité à la laïcité, le développement de l’apprentissage de l’arabe et la structuration de l’islam de France. C’est à la pertinence des mesures que le gouvernement doit tirer en juin de ce rapport que l’on jaugera la capacité du pays à faire de l’intégration de l’islam un important défi sociétal et pas seulement un navrant prétexte à une joute préélectorale.

Le Monde

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