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C’est une lecture binaire qui, à force d’être martelée élection après élection, tend à structurer les représentations : les espaces ruraux seraient comme fatalement acquis à l’extrême droite quand les métropoles, elles, offriraient des poches de résistance à gauche. En creux, une vieille antienne selon laquelle les campagnes seraient par essence conservatrices, quand les villes seraient, elles, progressistes. S’il est indéniable que le vote pour le parti dirigé par Jordan Bardella augmente quand on s’éloigne des villes – ce qui s’est encore confirmé au premier tour des élections législatives –, ce n’est en revanche pas parce qu’on vit dans le monde rural qu’on vote davantage Rassemblement national (RN).

« De nombreux commentateurs font la confusion entre corrélation et causalité », regrette Olivier Bouba-Olga, géographe au laboratoire Ruralités de l’université de Poitiers, qui met en garde quant à une analyse sommaire de la géographie des votes selon un déterminisme spatial. « Le fait de vivre dans une commune rurale plutôt qu’urbaine ne conduit qu’à la marge à voter plus pour le RN, souligne-t-il après avoir analysé l’impact sur les différences urbain-rural de plusieurs variables aux élections européennes et à la présidentielle de 2022. Les différences de vote entre centres urbains et mondes ruraux s’expliquent non pas en raison du caractère urbain ou rural des communes, mais par des différences de composition sociale – niveau de diplôme, de revenu, génération, genre –, par l’histoire du territoire, le tissu économique ou encore les conditions de travail. » Autrement dit : « Lorsqu’on compare vote rural et vote urbain à niveau de diplôme et tranche d’âge identique, on n’observe pratiquement plus de différence. »

« C’est effectivement un effet de morphologie sociale », abonde le sociologue Benoît Coquard, qui travaille sur les campagnes en déclin. Il rappelle que les catégories populaires faiblement diplômées y sont surreprésentées. « Les diplômés issus de ces territoires partent en ville, ou dans des campagnes plus attractives avec davantage de diplômés votant à gauche. »

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Une « logique de concentration sociale » qui contribue à une « absence de mixité politique » et donc à « l’hégémonie » des idées du RN dans certaines sociabilités locales, observe-t-il dans le Grand-Est : « Si les personnes qu’on fréquente sont en affinité avec le RN, si quand on allume la télé ou qu’on sort de chez soi ça dit du bien du RN, si rien ne vient contredire, il y a un effet de légitimation. » Quant à la gauche, « elle y est invisible. Non seulement on ne la voit pas – pas de maillage militant –, mais ses acquis ne sont pas palpables ».

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