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Histoires Web mardi, juillet 2
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FRANCE 5 – DIMANCHE 30 JUIN À 22 H 55 – DOCUMENTAIRE

Sans doute si le nom de Violette Morris (1893-1944) a été effacé, c’est parce que le scandale que représenta sa vie méritait une expiation sans merci, aux yeux de qui ne pouvait supporter son tempérament rebelle et insoumis. Vouée à l’ignominie. Un biographe à la rigueur historique des plus fantaisistes acheva la diabolisation de la dame en la qualifiant de « hyène de la Gestapo », cimentant une légende noire, qui se substitua à une étude sérieuse d’un parcours, il est vrai, hors norme.

Certes, responsable d’un garage parisien réquisitionné par la Luftwaffe, dès 1941, proche des responsables de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme, Violette Morris fut collaborationniste, auxiliaire de la Gestapo. Et son exécution sommaire, lors d’une embuscade de maquisards normands, en avril 1944, semble sceller sa mémoire, la rangeant au nombre des personnages abjects, repoussoirs indispensables à l’invention des héros résistants.

Devançant tous les hommes

Lorsque l’historienne Marie-Jo Bonnet s’attache à restaurer la figure de cette « femme à abattre » (dans Violette Morris. Histoire d’une scandaleuse, Perrin, 2011), c’est à la séquence de l’Occupation qu’elle se consacre en priorité. Si la focale s’élargit à l’ensemble de la biographie pour Bertrand Galic et Kris, livrant, en 2018 et en 2019, deux des quatre « comparutions » annoncées d’un procès en réexamen de ce cas unique (dans Violette Morris. A abattre par tous moyens, Futuropolis), il est temps de redonner un visage et un destin moins falsifiés à l’une des plus grandes championnes françaises.

Car, avant de devenir un bouc émissaire commode des compromissions de l’Occupation, Violette Morris est une sportive d’exception. Initiée à des pratiques physiques pionnières en pension dans un couvent belge, l’adolescente, rejetée par les siens, qui rêvaient d’un garçon pour la transmission du nom et des avoirs de sa lignée, mise tout sur ses performances et ne vise que la victoire.

Compétitrice à l’appétit d’ogresse, elle excelle autant dans l’athlétisme que dans le cyclisme, dans le football et bientôt dans le sport automobile, remportant le Bol d’Or 1927, seule femme engagée, devançant tous les hommes. Le défi idéal selon elle. L’effrontée décroche plus de vingt titres nationaux et une cinquante de médailles, toutes disciplines confondues, détentrice de records du monde et d’Europe en lancer du poids, du disque ou du javelot, et s’apprête à triompher aux Jeux olympiques d’été d’Amsterdam de 1928 quand la fédération française sportive féminine lui retire sa licence pour sanctionner sa liberté vestimentaire – elle s’habille comme un homme et refuse la jupe –, son verbe cru, ses frasques à répétition, son goût des femmes assumé.

Elle se reconvertit en ouvrant un magasin d’accessoires automobiles, s’essaie au monde du music-hall, fréquente Joséphine Baker, Colette et Jean Cocteau, qui s’installe un temps sur la péniche où Violette Morris vivait avec une comédienne du maître. Mais tue en légitime défense un ex-légionnaire qui l’agresse − le symbole se retourne contre elle. Autant de déconvenues pour celle qui a servi son pays sans obtenir la reconnaissance qu’elle mérite. D’où la dérive des années noires. Adulée, puis détestée, Violette Morris mériterait malgré tout une juste place au panthéon du sport comme dans l’histoire des femmes qui ne se soumettent pas. Mémorable assurément.

Violette Morris, une femme à abattre, documentaire de Marie-Christine Gambart (Fr., 2024, 52 min).

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