Alors que la commission d’enquête parlementaire lancée à la suite du scandale de Bétharram propose 50 mesures pour mieux protéger les enfants, mercredi 2 juillet, le corapporteur, Paul Vannier (La France insoumise), affirmant – et répétant – que le premier ministre, François Bayrou, a menti en audition sur ce qu’il savait des sévices à Bétharram et qu’il a commis un parjure, a annoncé, lors d’une conférence de presse, saisir, avec son groupe parlementaire, le bureau de l’Assemblée nationale.
Pour rappel, la commission d’enquête est née du scandale autour des révélations sur l’affaire des violences sexuelles et physiques qui se sont poursuivies pendant des décennies à Notre-Dame-de-Bétharram, établissement huppé du Béarn où l’actuel chef du gouvernement a eu des enfants scolarisés. L’affaire a entraîné des révélations en chaîne de mauvais traitements et d’agressions sexuelles dans d’autres établissements, souvent catholiques, à travers toute la France, et a rappelé que François Bayrou était ministre de l’éducation nationale lorsque les premières plaintes liées à des violences sur des enfants dans l’école et son internat ont été déposées.
Les députés pointent chez lui un « défaut d’action » à l’époque qui a pu laisser les violences « perdurer », alors qu’il était « informé » et « avait les moyens » d’agir. Des observations aussi faites par Fatiha Keloua Hachi (Parti socialiste), présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Elle fustige également les attaques lancées par François Bayrou, lors de son audition fleuve devant la commission, contre l’ex-professeure de Bétharram Françoise Gullung, qu’il a accusée d’avoir « affabulé » alors qu’elle était l’une des rares lanceuses d’alerte et l’accuse de vivre dans un monde « différent du nôtre » où l’on peut donner des « claques éducatives ». Mais la présidente de la commission a écarté l’idée d’une action en justice.
Omerta et mauvais traitement « accentués dans l’enseignement catholique »
Au-delà du cas de François Bayrou, Paul Vannier estime que la commission d’enquête a permis de dresser le « constat accablant » d’une « défaillance majeure de l’Etat » , appelant à une « révolution » face aux violences scolaires. Les députés décrivent les mêmes « logiques à l’œuvre » dans d’autres établissements, dont des « violences institutionnalisées sous prétexte d’excellence pédagogique ».
Pour les rapporteurs, les mécanismes d’omerta et de mauvais traitements étaient « accentués dans l’enseignement catholique », du fait d’un « modèle éducatif explicitement plus strict, s’appuyant sur de nombreux internats ». Le rapport souligne que des violences sont « encore invisibilisées » dans l’enseignement public, quand dans l’enseignement privé, « notamment catholique », elles persistent de façon « préoccupante ».
Les travaux de la commission d’enquête ont permis 80 signalements à la justice. M. Vannier a dénoncé une relation entre les établissements privés et le ministère de l’éducation nationale « perturbée par le fait qu’un acteur, le secrétariat général à l’enseignement catholique (SGEC), s’est imposé comme un intermédiaire » sans statut légal. Il appelle à dépasser ce « ministère bis » qui selon lui agit comme un véritable lobby.
Philippe Delorme, secrétaire général du SGEC, dénonce pour sa part « une orientation qui voudrait que [les] enseignement[s] public et privé fonctionnent exactement de la même manière, ce qui est complètement absurde », a-t-il dit à l’Agence France-Presse. « On ne peut pas dire que nos 7200 établissements dysfonctionnent », insiste-t-il.
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La corapporteuse, Violette Spillebout (Renaissance), promet toutefois qu’il ne s’agit pas de « rouvrir la guerre scolaire » entre enseignement publié et privé ou de faire « la guerre à François Bayrou ». « Ce que nous voulons, c’est la paix pour les victimes », insiste-t-elle.
Souhait d’une mission parlementaire transpartisane pour l’imprescriptibilité d’infractions commises sur les mineurs
Parmi les recommandations, le rapport appelle à reconnaître « la responsabilité de l’Etat pour les carences » ayant permis ces violences et créer un « fonds d’indemnisation et d’accompagnement des victimes ». « François Bayrou, le 15 février, nous a assuré qu’il créerait ce fonds. Nous sommes le 2 juillet. Nous n’avons toujours rien », a toutefois déploré sur RTL Alain Esquerre, porte-parole d’un collectif d’anciens élèves de Bétharram.
Les députés veulent aussi lancer une mission parlementaire transpartisane chargée de propositions pour « rendre imprescriptibles certaines infractions commises sur les mineurs ». Ils demandent plus de contrôles dans tous les établissements et surtout dans les établissements privés où ils étaient quasi inexistants jusqu’à il y a peu, en particulier dans les internats, et plaident pour « lever systématiquement le secret » de la confession s’il « porte sur des faits de violences commis sur mineur de moins de 15 ans ».
Quant à la ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Borne, elle va à présent examiner « s’il y a lieu d’adapter le plan “Brisons le silence” lancé en mars », qui rend les signalements de violences dans les établissements privés sous contrat obligatoires, augmente les contrôles de l’Etat et le nombre d’inspecteurs spécialisés, entre autres.