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Histoires Web dimanche, novembre 24
Bulletin

« Jérusalem 1900. La ville sainte à l’âge des possibles », de Vincent Lemire, Dunod, « Poche », 336 p., 9,90 €.

« Qu’est-ce que le sionisme ? », de Denis Charbit, nouvelle édition revue et augmentée, Espaces libres, « Histoire », 320 p., 12 €.

« Les Idées des autres. Idiosyncratiquement compilées pour l’amusement des lecteurs oisifs », anthologie de Simon Leys, Pocket, « Agora », 160 p., 8 €.

Ce sont bien sûr d’autres dates que l’on imagine spontanément accolées au nom de Jérusalem : 586 av. J.-C. et 70, les destructions des deux temples ; 30, la crucifixion du Christ ; 1099 et 1187, la prise de la ville par les croisés puis par Saladin ; 1948, la partition. Rajoutons le 4 octobre 1806 : l’entrée du touriste Chateaubriand. Mais il est dans le tempérament de l’historien Vincent Lemire, spécialiste de l’hydrologie jérusalémite, de franchir les rubiconds historiographiques.

C’est chose faite avec Jérusalem 1900. Appuyé sur une sollicitation massive d’archives municipales ottomanes inédites, la Ville sainte ressemble soudain plus à une capitale européenne qu’à son image traditionnelle de recoin oublié de la Palestine, somnolent et dépeuplé. Lemire s’y attaque poste après poste. Il brise ainsi le mythe d’une cité cadastrée en quatre quartiers étanches (juif, musulman, chrétien, arménien), montrant que la mixité y fut importante et que le rôle croissant de la Jérusalem moderne, extra-muros, joua un rôle démographique décisif. Analysant la dimension poétique, voire fantasmatique, d’une cité d’encre et de papier où l’on trouve ce que l’on est venu y chercher, cité de supercheries archéologiques, il met en valeur, a contrario, l’activité municipale, le sérieux gestionnaire et l’importance politique et administrative d’une cité dépendante directement d’Istanbul. Apparaît donc à l’issue de ce livre, entre 1880 et 1920, la période élue et apaisée d’une ville que son statut d’axis mundi et de cœur ardent du monothéisme abrahamique met sans cesse à la portée des tensions guerrières et des exclusivismes religieux.

A l’heure présente, où le terme « sionisme » se limite à être un étendard ou une insulte, et de plus en plus difficilement un objet de réflexion historiographique ou de méditation religieuse, la lecture de Qu’est-ce-que le sionisme ?, de Denis Charbit, s’avère précieuse. Datant de 1890, d’origine allemande (zionismus), en lien direct avec le traumatisme des pogroms européens et la vague massive d’émigration vers les Etats-Unis, le sionisme, impulsé par l’écrivain et journaliste autrichien Theodor Herzl (1860-1904) a tenté, en son principe, l’alignement des planètes : celle de la langue (retour à la langue et à la culture hébraïque), de la terre (la « Sion » des ancêtres et des patriarches) et la création d’une démocratie-refuge, d’un Etat protecteur pour tout juif. Cette vision, Denis Charbit la détaille avec précision et nous permet d’envisager méthodiquement la question sioniste. Le chapitre le plus captivant étant sans doute l’exposé des différentes conceptions du sionisme, de celui mystique et spirituel (Ahad Ha’am) à l’étatisme de Jabotinsky et Ben Gourion, en passant par le « sionisme éthique » du philosophe Martin Buber.

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