Vincent Garanger, diction au cordeau et physique râblé qu’il qualifie de « passe-partout », n’est pas un comédien ordinaire. Au Théâtre du Rond-Point, à Paris, où se reprend le spectacle Article 353 du code pénal – d’après le roman de Tanguy Viel (Minuit, 2017), adapté et mis en scène par Emmanuel Noblet –, cet acteur, dont la discrétion est l’élégante armure, se dessaisit de lui-même pour habiter le corps d’un personnage de fiction. Il a 65 ans dans la vie, mais pourrait en avoir vingt de plus (ou de moins) tant il s’oublie pour entrer dans la peau et les mots de Kermeur, précaire parmi les précaires, assassin par désespoir et perdant magnifique d’un drame intime et social sur les gens de peu broyés par le cynisme des puissants.
Sur le plateau, on ne voit que lui. Et pour cause. Il s’y campe dans une solitude tragique, son dos courbé esquivant la bienveillance d’un juge (Emmanuel Noblet) qui recueille son récit sans presque l’interrompre. Une heure et quarante-deux minutes d’une confession où la langue qui se délie subjugue l’écoute. Une heure et quarante-deux minutes d’une bouleversante logorrhée tenue en laisse par l’exactitude de la profération. Si le spectateur a le temps d’observer les fissures qui lézardent le meurtrier au moment des aveux, il vérifie aussi la solidité de l’acteur qui l’incarne. Vincent Garanger est l’exemple même de ce que le théâtre public peut et sait fabriquer lorsqu’il vise et pratique l’excellence.
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