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Histoires Web dimanche, juin 15
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Livre. Vichy était-il la France ? (112 pages, 9,90 euros) inaugure une collection des éditions JC Lattès consacrée à la mémoire toujours mouvante, sélective et politique que nous avons du passé. Baptisée « Memento », cette collection invitera à faire « résonner histoire et temps présent ». Une mission parfaitement réussie par l’historien Sébastien Ledoux, auteur du Devoir de mémoire. Une formule et son histoire (CNRS Editions, 2016) et de La Nation en récit (Belin, 2021), dans un livre très documenté sur la mémoire de la rafle du Vél’ d’Hiv.

Avec 12 884 arrestations en plein Paris et 4 000 enfants exterminés à Auschwitz, la rafle des 16 et 17 juillet 1942 est la plus importante réalisée, non seulement en France, mais dans toute l’Europe de l’Ouest pendant la seconde guerre mondiale. Organisée par la Préfecture de police de Paris, cette opération d’envergure est aujourd’hui devenue emblématique de la persécution des juifs sous le régime de Vichy et de la complicité active de la France dans la Shoah. Mais tel n’était pas le cas, tant s’en faut, pendant les décennies qui ont suivi la Libération : jusque dans les années 1990, l’histoire du Vél’ d’Hiv est restée cantonnée aux marges du récit national.

Ce sont les méandres de cette mémoire complexe et tourmentée qu’explore Sébastien Ledoux. Pour en cerner les contours, l’historien s’appuie sur nombre de sources – la première étude sur la rafle de l’ancien déporté juif Georges Wellers publiée en 1949 dans la revue Le Monde juif, les cérémonies organisées au Vél’ d’Hiv en 1945 et 1946, l’exposition de 1945 sur les « crimes hitlériens » du Grand Palais… Mais aussi les journaux télévisés de l’ORTF des années 1960, les manuels scolaires de terminale de 1962 ou la première émission grand public consacrée en 1976 à la responsabilité du maréchal Pétain dans « Les Dossiers de l’écran ».

Un « impensé »

A la fin de la guerre, souligne Sébastien Ledoux, seul le petit monde des survivants de la Shoah et des associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme entretiennent le souvenir de la rafle de juillet 1942. Il faut attendre les années 1950-1960 pour que la mémoire du Vél’ d’Hiv sorte peu à peu de cet « isolement communautaire ». Mais la spécificité génocidaire de la Shoah est alors absente des hommages solennels rendus à la France « héroïque » : les juifs apparaissent, parmi d’autres, dans la longue liste des martyrs de la déportation – y compris, en 1956, dans le film d’Alain Resnais Nuit et brouillard.

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