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Histoires Web jeudi, octobre 24
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Véronique Margron est présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France. C’est elle qui a reçu le premier témoignage d’une victime de l’abbé Pierre, avec qui elle s’est entretenue avant qu’elle ne s’adresse à la direction d’Emmaüs, qui a ensuite lancé une enquête indépendante sur son fondateur.

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Comment la rencontre avec cette première victime s’est-elle passée ?

Cette dame m’a connue au travers des médias, après les travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise [la Ciase, dont le rapport a été publié en octobre 2021], et m’a contactée début 2023. Elle est ensuite venue chez moi, à Paris.

C’est bien triste à dire, mais je n’ai pas été plus surprise que ça. Non pas concernant l’abbé Pierre, dont je ne connaissais pas la vie. Mais parce que cela faisait écho à tant d’histoires écoutées depuis que je me suis engagée sur ces sujets. Il était donc un de plus. Au départ, cela n’a fait qu’accroître un peu plus ce mélange entre l’infinie tristesse et la colère que m’évoquent ces drames.

Ce n’est qu’a posteriori que j’ai mesuré l’ampleur des conséquences de ces révélations concernant l’abbé Pierre. La victime m’a d’ailleurs dit sa crainte que son témoignage fragilise l’engagement d’Emmaüs contre la misère, ce qui, bien sûr, n’était en rien son but. Crainte qui a pu renforcer la difficulté à prendre la parole.

Au-delà de ce combat contre la misère, pourquoi l’abbé Pierre n’est-il pas un agresseur comme les autres ?

L’abbé Pierre était un personnage mythique, avec le risque de se croire hors du monde commun et de ses lois élémentaires, morales comme légales. On retrouve cela bien ailleurs que dans le monde ecclésiastique. Mais, au sein de l’Eglise catholique, le risque est majoré par l’identité de prêtre, le lien à Dieu dont certains se prévalent. Cela aggrave la sacralisation d’une personnalité.

Les victimes dans l’Eglise développent d’ailleurs souvent de lourds traumatismes dus à la peur de parler, de mettre en cause une personnalité reconnue et parfois considérée comme quasi sacrée. On l’a vu, par exemple, avec les frères Philippe [Thomas (1905-1993) et Marie-Dominique Philippe (1912-2006), deux frères dominicains et de sang très influents au XXe siècle, accusés de violences sexuelles et de dérives sectaires], Jean Vanier [fondateur de l’association L’Arche, accusé d’agression sexuelle] et tant d’autres. En tout cas, il faut un courage considérable pour parler aujourd’hui.

L’Eglise doit-elle redoubler de vigilance dès qu’un prêtre devient médiatique ?

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