Meilleures Actions
Histoires Web lundi, décembre 22
une leçon cruelle pour les Européens

Les microprocesseurs sont longtemps restés des composants incontournables mais invisibles, qui pouvaient être produits loin, assemblés ailleurs, tout en étant consommés partout. Une succession de bouleversements récents a modifié cette perception. La pandémie de Covid, en créant des ruptures d’approvisionnement, a révélé les fragilités de ceux qui ne maîtrisaient pas la chaîne de production. Les tensions sino-américaines et l’irruption de l’intelligence artificielle (IA) ont encore amplifié le rôle crucial joué par ce petit carré de silicium finement gravé, devenu un maillon stratégique de la géopolitique mondiale, auquel Le Monde consacre, à partir de lundi 22 décembre, une série en cinq volets.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Semi-conducteurs : Nvidia, emblème de la nouvelle bataille du Pacifique

Apparues aux Etats-Unis au début des années 1960, les puces occupent désormais une place essentielle dans la course technologique mondiale. Le charbon a été le moteur de la révolution industrielle du XIXe siècle, le pétrole a porté l’innovation et la croissance au XXsiècle, les microprocesseurs sont au cœur de l’économie du XXIe. Ils sont le troisième bien le plus échangé sur la planète après les produits pétroliers et l’automobile, tandis que le secteur devrait doubler de taille d’ici à la fin de la décennie pour dépasser les 1 000 milliards de dollars. Ce n’est plus seulement une simple industrie, c’est une arme stratégique et un levier diplomatique que se disputent avec acharnement les Etats-Unis, Taïwan et la Chine, notamment grâce à leurs champions respectifs, Nvidia, TSMC et Huawei.

iLa géopolitique des microprocesseurs apporte des leçons cruelles aux Européens. Elle se dessine autour d’une zone géographique éloignée, le Pacifique, et incarne un hypercapitalisme extrêmement gourmand en investissements, en recherche et développement et en énergie, dans lequel l’Europe n’a pas encore trouvé les moyens de rivaliser.n de machines de photolithographie, essentielles pour mettre au point les puces les plus performantes utilisées dans l’IA. Mais, dans la production de masse des microprocesseurs de nouvelle génération et la maîtrise de la chaîne de valeur, l’Europe reste marginalisée. Il s’agit d’une fragilité dangereuse pour sa souveraineté, car la puissance économique du futur ne peut pas reposer sur des composants que d’autres peuvent ralentir, restreindre, ou conditionner au gré des alliances et des tensions internationales.

Retard accumulé

La géopolitique des microprocesseurs apporte des leçons cruelles aux Européens. Elle se dessine autour d’une zone géographique éloignée, le Pacifique, et incarne un hypercapitalisme extrêmement gourmand en investissements, en recherche et développement et en énergie, dans lequel l’Europe n’a pas encore trouvé les moyens de rivaliser.

Le retard accumulé ne se rattrapera pas avec un saupoudrage de subventions, comme cela a été trop souvent le cas dans un passé récent. Le règlement sur les microprocesseurs, l’European Chips Act, adopté en 2023 par le Parlement européen, va dans la bonne direction pour garantir une partie de nos approvisionnements. Mais la réponse reste insuffisante face aux Etats-Unis, qui réagissent avec brutalité et une débauche de moyens, à la Chine, qui réplique avec ambition et détermination, ou à Taïwan, qui a misé sur une intelligence stratégique de long terme. L’Europe, qui dispose des ressources humaines, technologiques et financières pour recoller à ce peloton, doit se mettre en ordre de bataille rapidement. Mais après avoir vécu dans le confort de la dépendance, la quête de souveraineté s’annonce longue et douloureuse.

Le Monde

Réutiliser ce contenu

Share.