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Histoires Web samedi, février 22
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Le vote de la loi d’orientation agricole juste avant l’ouverture, samedi 22 février, du Salon international de l’agriculture, à Paris, arrive sans doute à point nommé pour apaiser certaines tensions qui taraudent depuis plusieurs mois le monde paysan. Mais, en faisant le choix de grands principes difficilement applicables, comme la reconnaissance de l’agriculture comme étant d’« intérêt général majeur », et de mesures de court terme, ce texte apparaît surtout comme une occasion manquée pour amorcer la transition écologique d’un secteur qui subit et alimente à la fois les effets du changement climatique, de l’érosion de la biodiversité et de l’appauvrissement des sols. Les questions, pourtant centrales, du revenu et du partage de la valeur sont, elles aussi, éludées.

Manifestations et pressions de la part des principales organisations syndicales ont infléchi le travail des législateurs davantage dans le sens d’une perpétuation d’un modèle agricole à bout de souffle que vers un changement de paradigme. Celui-ci semble pourtant inéluctable face à des rendements qui déclinent, une crise démographique et des exploitations vulnérables à la concurrence internationale.

La loi d’orientation agricole ne se caractérise pas seulement par la faiblesse de ses ambitions écologiques, elle acte également nombre de reculs sur des mesures, comme la dépénalisation des atteintes aux espèces protégées, pourtant encadrées par le droit européen. Le texte final ne fait même plus mention de la transition agroécologique, perçue comme un mot tabou. Or, elle est reconnue dans les travaux scientifiques internationaux comme une solution apportant une plus grande résilience, atténue le réchauffement climatique tout en produisant en quantité suffisante pour nourrir les populations.

Les leviers du changement sont connus

En se rangeant derrière certains des arguments des syndicats les plus revendicatifs, les élus donnent le sentiment d’une agriculture monolithique, qui serait entièrement dévolue à des modes de production n’étant plus soutenables. Or, comme le montre une enquête de décembre 2024 du cercle de réflexion The Shift Project, menée auprès de 8 000 agriculteurs, une grande majorité d’entre eux ont tout à fait conscience des vulnérabilités de leurs exploitations et sont prêts à changer leurs pratiques pour peu qu’on leur en donne les moyens et que l’on crée l’écosystème favorable à l’émergence d’une autre agriculture.

Les leviers du changement sont connus. De nombreux exemples montrent qu’une agriculture plus diversifiée, sans engrais de synthèse et moins dépendante d’intrants extérieurs, peut être viable. Mais la généralisation de telles pratiques ne peut se faire sans un minimum de mobilisation politique pour accompagner les exploitants.

Pour cela, il est nécessaire d’expliquer, de former, de sécuriser les débouchés et les revenus pour sortir d’un modèle qui est une impasse. Les événements sociaux et politiques des derniers mois montrent que la France est encore loin du compte en faisant passer pour des solutions le retour à des pratiques périmées, retardant une transition inéluctable.

La colère agricole est souvent l’expression d’un sentiment légitime d’abandon de la part des pouvoirs publics, qui les submergent d’injonctions contradictoires. Plutôt que de céder à la démagogie d’un retour en arrière, il faut encourager les initiatives en faveur de l’adaptation au changement climatique, accompagner la généralisation des bonnes pratiques et donner un cap clair et cohérent. Ce devrait être la vocation d’une loi d’orientation agricole. Celle qui a été adoptée jeudi 20 février n’en a que le nom.

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Le Monde

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