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« Vous vous souvenez de ce film ? » Nous sommes le 3 octobre 2015, dans une petite salle chauffée à blanc de Franklin (Tennessee) et, comme dans un jeu télévisé – à la différence près qu’il fait à la fois les questions et les réponses –, Donald Trump teste la cinéphilie de son public au beau milieu d’un meeting électoral. Le film en question, tout le monde s’en souvient parmi ses supporteurs. Il est sorti en 1974, s’intitule Death Wish (Un justicier dans la ville, en français) et il a eu en son temps une influence considérable sur le débat public américain.

Selon ses admirateurs, c’est un constat lucide sur l’insécurité, la nature humaine et un questionnement légitime sur l’autodéfense. Pour les autres, ce n’est rien de moins qu’un pamphlet raciste, une odieuse réclame pour le port d’armes et un appel au meurtre. Or, le futur 45e président des Etats-Unis se vante de calquer sa conduite sur sa morale fort controversée. Le Parti républicain, et encore moins Trump, ne peuvent faire l’économie de la NRA (National Rifle Association), le puissant lobby américain des armes à feu.

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D’aucuns ont été naïvement tentés, après la tentative d’assassinat dont il a fait l’objet le 13 juillet, de renvoyer l’actuel candidat à son aveuglement, puisqu’il avait été à deux doigts d’être victime de la libre circulation des armes qu’il défend bec et ongles – l’AR-15, le fusil d’assaut utilisé, est l’un des modèles les plus populaires outre-Atlantique : 16 millions d’Américains en possédaient un en 2023, selon le Washington Post, et il est souvent impliqué dans des tueries de masse. Interrogé à ce propos à Palm Beach, le 8 août, Donald Trump a sans surprise déclaré que l’attaque dont il avait été victime n’avait en rien changé sa position sur les armes à feu.

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Si Death Wish reste sa référence, regardons-le d’un peu plus près. Le film est tiré d’un best-seller éponyme du prolifique romancier Brian Garfield (1939-2018), paru en 1972. C’est le tout aussi prolifique réalisateur britannique Michael Winner (1935-2013) qui a convaincu l’acteur Charles Bronson (1921-2003) de prêter son image à cette histoire de revanche contre le crime – un vigilante movie en VO. Equivoque, le titre peut aussi bien vouloir dire « envie de meurtre » que « pulsion suicidaire ». En France, l’intitulé choisi – Un justicier dans la ville – est nettement moins ambigu. Il est aussi beaucoup plus sage.

Voyous stupides et lubriques

Paul Kersey, le héros (Charles Bronson, donc), est un architecte rappelant le Gary Cooper du Rebelle (1949), de King Vidor, film-culte des libertariens. C’est aussi un libéral new-yorkais, qui déplore la fuite des classes blanches aisées des centres urbains vers les banlieues pavillonnaires (le white flight).

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