Le rédacteur en chef du magazine The Atlantic, Jeffrey Goldberg, a révélé dans un article, publié mardi 25 juin, avoir été inclus par erreur dans un groupe de discussion ultraconfidentiel de hauts responsables américains consacré à des frappes contre les houthistes au Yémen.
« Il semble pour l’instant que la chaîne de messages dont fait état l’article soit authentique, et nous cherchons à savoir comment un numéro a été ajouté par erreur », a confirmé le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Brian Hughes. Cette conversation « constitue la preuve d’une coordination profonde et réfléchie entre de hauts responsables », a-t-il tenté d’expliquer.
Plus tôt lundi, dans un long article titré « Le gouvernement Trump m’a envoyé par erreur ses plans de guerre », le journaliste a révélé avoir reçu à l’avance, via la messagerie Signal, le plan d’attaque détaillé des raids menés le 15 mars par les Américains contre ce groupe de rebelles du Yémen. « Le ministre de la défense, Pete Hegseth, m’avait envoyé le plan d’attaque » deux heures avant que les frappes ne commencent, y compris « des informations précises sur les armes, les cibles et les horaires », écrit-il.
« Vous parlez d’un soi-disant journaliste sournois et très discrédité qui a fait profession de colporter des canulars à maintes reprises », a répondu, lundi, Pete Hegseth, interrogé par des journalistes. « Personne n’a envoyé de plans de guerre et c’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet », a-t-il ajouté.
L’existence même de cette boucle Signal, écrit Jeffrey Goldberg, paraît en contradiction avec les impératifs légaux encadrant les échanges entre officiels américains de ce niveau : ces derniers sont tenus d’utiliser des terminaux sécurisés pour aborder des sujets confidentiels, ainsi que de verser ces échanges aux archives de l’administration – ce qui n’a pas été le cas, selon le journaliste, qui explique que les paramètres choisis dans ce groupe Signal prévoyaient la suppression automatique des messages un certain temps après leur envoi.
« Dites-moi que c’est une blague » a écrit, sur X, Hillary Clinton, en réaction à ce sujet spécifique. Donald Trump avait attaqué sans relâche sa rivale à l’élection présidentielle de 2016 pour avoir envoyé des courriers électroniques officiels via une messagerie privée quand elle était secrétaire d’Etat.
« Je déteste venir au secours des Européens »
Le journaliste explique que tout a commencé par une prise de contact le 11 mars émanant du conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Mike Waltz, via l’application de messagerie Signal, très prisée des journalistes et des responsables politiques en raison de la confidentialité qu’elle promet. Dans les jours qui suivent, il est invité à rejoindre un groupe de discussion et lit les messages que s’échangent dix-huit responsables de très haut niveau, dont, selon lui, le chef de la diplomatie, Marco Rubio, le patron de la CIA, John Ratcliffe, et le vice-président, J. D. Vance.
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Ce dernier estime, selon des propos reproduits dans The Atlantic, que conduire les frappes serait une « erreur », car l’opération, en renforçant la sécurité du transport de marchandises en mer Rouge, bénéficierait surtout aux Européens.
« Si tu penses qu’il faut le faire, allons-y. C’est juste que je déteste venir au secours des Européens encore une fois », écrit ainsi J. D. Vance à l’intention de Pete Hegseth. Le ministre de la défense répond : « Je suis complètement d’accord, je déteste le comportement de profiteurs des Européens. C’est PATHÉTIQUE », mais il justifie l’attaque pour « rouvrir les liaisons » maritimes.
Après les raids, les membres du groupe de discussion se félicitent du succès de l’opération, avec de nombreuses émoticônes, selon le journaliste. Il dit avoir eu, jusqu’à ce que sortent les premières informations sur les frappes bien réelles, de « très forts doutes » sur la crédibilité de ce groupe de discussion. Il ajoute : « Je n’arrivais pas à croire que le Conseil à la sécurité nationale du président serait imprudent au point d’inclure le rédacteur en chef de The Atlantic » dans de telles discussions confidentielles. Jeffrey Goldberg ne révèle pas, dans son article, les détails confidentiels sur le plan d’attaque, et assure qu’il a quitté le groupe de discussion après les frappes aériennes.
Trump affirme « ne rien savoir »
Le 15 mars, les Etats-Unis ont effectivement mené d’importants bombardements sur des bastions rebelles au Yémen. Donald Trump a promis « l’enfer » aux « terroristes houthistes » et sommé l’Iran de cesser de soutenir ces rebelles, qui ont multiplié les attaques contre le commerce maritime au large du Yémen depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza en octobre 2023. Les houthistes affirment que ces frappes américaines ont fait une cinquantaine de morts et une centaine de blessés.
Donald Trump, de son côté, a affirmé ne « rien savoir » de cette divulgation. « Vous m’en parlez pour la première fois », a assuré le président américain à la presse qui l’interrogeait à la Maison Blanche. Donald Trump « continue d’avoir la plus grande confiance dans son équipe de sécurité nationale, y compris son conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz », a ensuite assuré dans un court communiqué, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt.
L’opposition démocrate au Congrès n’a pas tardé à réagir à cette divulgation accidentelle de plans militaires confidentiels à un journaliste par l’administration Trump. Le chef de la minorité démocrate au Sénat américain, Chuck Schumer, l’a qualifiée de « débâcle », et a appelé à une « enquête complète » sur l’affaire. « C’est l’une des fuites de renseignement militaire les plus stupéfiantes que j’ai lues depuis très, très longtemps », a-t-il déclaré depuis l’Hémicycle. « C’est manifestement illégal et extrêmement dangereux », a tonné, de son côté, la sénatrice Elizabeth Warren, dénonçant « des débutants complets ».