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Histoires Web dimanche, mars 9
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Plus de soixante ans après avoir conquis son indépendance, l’Algérie est-elle un pays comme un autre pour la France ? La question est posée à l’occasion du contentieux ouvert par le refus d’Alger de réadmettre un certain nombre de ses ressortissants, délinquants ou sans papiers, expulsés de France. Ce différend a été dramatiquement illustré par l’attaque au couteau mortelle commise le 22 février à Mulhouse par un Algérien condamné pour « apologie du terrorisme », dont l’obligation de quitter le territoire n’avait pu être exécutée faute de coopération de la part d’Alger.

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Dans le contexte de ce drame et alors qu’une extrême tension diplomatique prévaut entre les deux pays, le premier ministre, François Bayrou, reprenant une cause chère au ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a menacé l’Algérie de dénoncer un accord bilatéral de 1968 sur l’immigration algérienne en France.

Ce texte est présenté par la droite et l’extrême droite comme un emblème de la prétendue générosité française à l’égard des Algériens. Il n’en est rien. Il a été négocié à la demande de Paris pour limiter leur afflux, à un moment où la France désirait diversifier les origines de sa main-d’œuvre immigrée.

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Si le texte de 1968 fait échapper les Algériens au droit commun en matière d’immigration, il ne leur a laissé, au fil de ses renégociations successives, que des avantages marginaux. Il reste que le contexte actuel n’a rien à voir avec celui de 1968 et que rien ne justifie plus un régime particulier pour les Algériens.

Dépoussiérer l’accord de 1968 peut donc apparaître légitime. En 2022, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a lui-même, selon Emmanuel Macron, « envisagé de [le] rouvrir pour [le] moderniser ». Encore faudrait-il que l’exécutif français adopte une position cohérente et une méthode adaptée à cet objectif. Tel n’est pas le cas.

Rhétorique belliqueuse de Paris

François Bayrou, en présentant les victimes de l’attentat de Mulhouse comme les « victimes directes du refus d’application » de l’accord de 1968, a montré sa méconnaissance du dossier : ce texte régit les conditions d’entrée et d’installation des Algériens, nullement les expulsions. En posant un ultimatum à Alger sous peine de dénonciation de l’accord, le premier ministre a aussi mis à mal la stratégie de « riposte graduée » de M. Retailleau. Emmanuel Macron a eu beau jeu d’affirmer que la dénonciation d’un texte ayant valeur de traité international – une prérogative présidentielle – n’a « aucun sens ». D’autant qu’une telle décision risque de ramener l’état du droit aux accords d’Evian, qui posent le principe de la libre circulation entre les deux pays.

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Tant la rhétorique belliqueuse de Paris que la cacophonie qui règne sur ce dossier au sein de l’exécutif sont pain bénit pour le pouvoir autoritaire algérien. De même que les attaques de Bruno Retailleau visant l’« Algérie », et non son régime, qui nourrissent le nationalisme et mettent en porte-à-faux les 892 000 Algériens vivant France et les millions de Français d’origine algérienne. Si le droit commun des lois sur l’immigration doit s’appliquer à l’Algérie, celle-ci n’est pas un pays comme un autre, vu de France, pour des raisons tant historiques qu’humaines.

Le gouvernement, qui prétend vouloir contrôler le flux des entrées de migrants et permettre les expulsions d’Algériens, doit tenir compte de ce contexte et adopter une stratégie cohérente et ordonnée vis-à-vis du régime d’Alger. Sinon, ces questions continueront d’entretenir des joutes politiciennes, sans autre résultat concret que d’alimenter l’extrême droite.

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Le Monde

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