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Histoires Web samedi, juillet 27
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Quand on demande à Philippe Torreton pourquoi il a choisi Fulvio pour notre apéro, ils sont deux à répondre, le comédien et le patron de ce petit restaurant italien niché dans le quartier du Marais, à Paris. « On s’est connu en 1998 sur le tournage de Ça commence aujourd’hui, de Bertrand Tavernier. Dans une scène d’anniversaire, on chantait La Traviata », se souvient le restaurateur, Fulvio Trogu. « C’est ici que Bertrand m’a proposé ce scénario », complète Philippe Torreton, un verre de pinot grigio à la main. Depuis trente-cinq ans, Fulvio, un Sarde à la longue barbe blanche digne de celle d’Hagrid dans Harry Potter, tient la barre de cette bonne adresse de pâtes qui a vu passer quelques célébrités. Convivial, il pose au milieu de notre table une appétissante assiette de jambon cru et parmesan, et se retire derrière son comptoir. Il est à peine 19 heures, les clients ne sont pas encore arrivés, il peut écouter tranquillement son ami Philippe.

A 58 ans, Philippe Torreton se fait rare au cinéma mais devient coutumier des rayons de librairie. C’est pour son dernier roman, Un cœur outragé (Calmann-Lévy, 190 pages, 19,90 euros), qu’on a eu envie de le rencontrer. Dans cette fable enlevée et truculente, un comédien désillusionné décide de se grimer pour s’offrir une seconde chance et se venger, grâce à un formidable stratagème, de la cruauté du milieu du cinéma qui lui a fermé les portes. Toute ressemblance avec l’auteur n’est pas purement fortuite. « Le pourquoi de ce livre est multiple. J’avais raconté un jour à mon maquilleur, qui m’a notamment transformé en Cyrano pour le théâtre et en Michel Fourniret pour un téléfilm, mon vieux fantasme de jouer un jour sous une fausse identité. Puis il y a eu ma mise à l’écart du cinéma après ma tribune sur Depardieu, en 2012 [une charge contre l’exil fiscal de l’acteur], et ma lecture, sur le tard, de Romain Gary. Tout s’est imbriqué et ça a fait tilt dans ma tête », développe-t-il.

« En écrivant, j’ai tout autant questionné le monde du cinéma que je me suis questionné sur moi-même. Ce livre est aussi introspectif », reconnaît-il. Mais à la différence de son personnage de roman, Albert Stephan, il jure ne ressentir « ni aigreur, ni amertume, ni sentiment de solitude ». Malgré la « frustration » de ne pas avoir eu, depuis douze ans, de rôle important au cinéma (« le temps long passé à tourner me manque »), de seulement « picorer » des rôles secondaires, il n’a pas de « comptes à régler » et est « heureux » dans sa vie. Parce que le théâtre est toujours là. Sur la table est posé Le Funambule, de Jean Genet, dont il s’imprègne avant de le jouer la saison prochaine à la MC2 de Grenoble puis à Paris. Et parce qu’il y a l’écriture, arrivée par le hasard d’un journal de bord (Comme si c’était moi, Seuil, 2004) et qui, en 2014, grâce à Mémé (éditions de l’Iconoclaste), lui a offert les joies d’un best-seller. Son hommage à sa grand-mère maternelle s’est écoulé à plus de 200 000 exemplaires.

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