Un an après la mort en prison de l’ancien principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, plusieurs centaines de ses partisans se sont recueillis sur sa tombe à Moscou, au cimetière de Borissovo, dimanche 16 février, malgré le risque de représailles judiciaires.
Selon des journalistes de l’Agence France-Presse présents sur place, le dispositif sécuritaire était discret, avec principalement des policiers en civil déployés autour du cimetière. Certaines personnes portaient des masques chirurgicaux pour ne pas être reconnues. D’autres commémorations sont prévues hors de Russie, ont annoncé les collaborateurs en exil de l’opposant mort.
Plusieurs diplomates occidentaux, notamment des représentants des ambassades américaine, française, espagnole, norvégienne et de l’Union européenne, sont également allés sur la tombe de M. Navalny. En fin de matinée, cette dernière était littéralement recouverte d’une petite montagne de fleurs et des dizaines de personnes, seules ou en petits groupes, continuaient d’arriver au cimetière, en dépit de températures glaciales.
Charismatique militant anticorruption et ennemi politique numéro un de Vladimir Poutine, M. Navalny avait été déclaré « extrémiste » par la justice russe. Evoquer en public l’opposant ou son organisation, la Fondation anticorruption (FBK), sans préciser qu’ils ont été décrétés « extrémistes », expose les contrevenants à de lourdes sanctions. Cette menace reste en vigueur malgré la mort d’Alexeï Navalny dans des circonstances troubles dans une prison de l’Arctique le 16 février 2024 et malgré l’exil de la quasi-totalité de ses collaborateurs. La mort de M. Navalny, à l’âge de 47 ans, n’a toujours pas été entièrement expliquée. Les autorités russes affirment qu’elle est survenue pendant qu’il se promenait dans la cour de la prison.
Pour l’UE, Vladimir Poutine et les autorités russes « portent l’ultime responsabilité » de la mort d’Alexeï Navalny
La veuve de M. Navalny, Ioulia Navalnaïa, qui a repris les rênes de son mouvement, doit participer à un événement à Berlin, où vivent de nombreux opposants russes. « Une Russie du futur, libre, pacifique et belle, celle dont rêvait Alexeï, est possible. Faisons tout pour que son rêve se réalise », a-t-elle appelé dans une vidéo diffusée dimanche par son équipe.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, est l’un des premiers dirigeants occidentaux à avoir honoré dimanche sa mémoire, saluant un homme mort « parce qu’il s’est battu pour la démocratie et la liberté en Russie ». La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a écrit dans un communiqué que le président russe, Vladimir Poutine, et les autorités russes « port[aient] l’ultime responsabilité » de la mort de l’opposant, appelant à la « libér[ation] immédiate et sans condition [d]es avocats d’Alexeï Navalny et [de] tous les prisonniers politiques ».
Des chaînes Telegram favorables au Kremlin avaient mis en garde les partisans du défunt opposant, leur déconseillant de se rendre au cimetière. Un message, diffusé par ces chaînes, mentionne « Big Brother et son œil toujours vigilant », avec la photographie d’un panneau révélant la présence d’une caméra de surveillance aux portes du cimetière.
Les autorités russes ont méthodiquement démantelé le mouvement d’Alexeï Navalny, envoyant plusieurs de ses partisans en prison. Quatre journalistes sont actuellement jugés en Russie pour « participation à un groupe extrémiste », accusés d’avoir réalisé des images pour l’équipe d’Alexeï Navalny.
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En janvier, trois des avocats qui défendaient l’opposant ont été condamnés à des peines allant de trois ans et demi à cinq ans de prison pour avoir transmis ses messages alors qu’il était en détention. En Russie, la répression a jeté des centaines de personnes en prison et des milliers d’autres ont été sanctionnées ou menacées en raison de leur opposition au pouvoir ou au conflit en Ukraine.
Une mort dont les circonstances restent floues
M. Navalny avait été arrêté en janvier 2021, à son retour en Russie après une convalescence en Allemagne à la suite d’un empoisonnement dont il avait imputé la responsabilité au Kremlin, qui a rejeté cette accusation.
En décembre 2023, il avait été transféré dans une colonie pénitentiaire isolée au-delà du cercle polaire arctique afin d’y purger une peine de dix-neuf ans de prison pour « extrémisme ». Réprimée en Russie, l’opposition russe tente de se relancer à l’étranger, jusqu’à présent sans grand succès. Ioulia Navalnaïa et deux autres opposants d’envergure avaient organisé en novembre une marche à Berlin contre le président russe et l’offensive en Ukraine, rassemblant environ 2 000 exilés russes.
L’opposition russe, décapitée par la perte de sa figure de proue, dispersée à l’étranger du fait de la répression en Russie et déchirée par les luttes internes, est dans une position de faiblesse inédite. Au-delà des slogans, l’opposition peine à proposer une démarche concrète devant conduire à la fin de la guerre et au départ de Vladimir Poutine. Plusieurs scandales en son sein l’ont aussi fragilisée et ont provoqué la frustration d’une partie de ses militants.