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Histoires Web mercredi, octobre 9
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L’AVIS DU « MONDE » – POURQUOI PAS

Autrice d’une longue cinématographie entamée à la fin des années 1980 sous l’égide de Pedro Almodovar, la Catalane Isabel Coixet, 64 ans, fait partie d’une génération de cinéastes espagnols antérieure à celle de ces nouveaux venus que sont Rodrigo Sorogoyen, Jonas Trueba ou Albert Serra. Coixet mène une carrière en demi-teinte, entre films indépendants espagnols et productions internationales anglo-saxonnes, dont un des motifs lancinants est la mise à l’épreuve d’une héroïne solitaire.

Motif reconduit dans Un amor, et en quelque sorte mixé avec le thème du fond rural inquiétant, tel que Rodrigo Sorogoyen avait excellé à le figurer dans son récent film à succès As Bestas (2022). Adapté du roman éponyme de Sara Mesa paru en Espagne en 2020 (traduit en français en 2022 chez Grasset) , le récit met en scène Natalia (Laia Costa), une trentenaire installée, on ne sait au juste pour quelle raison, dans un coin de campagne reculé du pays environné de montagnes, louant une sombre maison qui tombe peu ou prou en ruines. La présence de la jolie et mélancolique citadine ne passe pas inaperçue, tout particulièrement des hommes qui l’environnent.

Il y a le propriétaire du bouge, homme inquiétant s’il en est, qui la rabroue et la méprise, refusant de faire le moindre geste pour améliorer ses conditions de logement, lui offrant on ne sait trop pourquoi un chien hideux, battu, possiblement agressif. Le plus étonnant est que Natalia, tétanisée, accepte tout de ce malotru, mais bat froid le séducteur local, Piter (Hugo Silva) – du genre artisan viril tardivement venu renouer avec les saveurs de la terre mère et du vin naturel dans le pays profond – qui l’entoure pourtant d’une doucereuse verbosité.

Marché scabreux

La raison pour laquelle elle cède aux avances pour le moins obscènes de son voisin Andreas (Hovik Keuchkerian), surnommé avec défiance « l’Allemand » dans le village, n’en est que plus mystérieuse. Le colosse ventru, direct en affaires, lui propose de réparer le toit de sa maison dans laquelle il pleut, et que le propriétaire ne veut pas réparer, en échange de son autorisation d’« entrer » en elle. Marché scabreux et néanmoins conclu, au terme duquel la jeune femme, en mal de compagnie et de protection sans doute, se lance avec la brute dans une idylle sexuellement relevée.

En resterait-on là des aventures de Natalia, qu’une forte suspicion de masochisme finirait, dans l’esprit du spectateur, par peser sur elle. Une telle propension à la macération, à l’heure du mouvement #metoo et de la célébration des femmes puissantes, aurait du moins eu le mérite de la singularité. Il n’en sera rien. C’est bien, nonobstant cette ruse rhétorique, au récit d’une aliénation féminine et d’une libération des griffes d’une phallocratie violemment imbécile que nous invite ce récit, qui ne fait pas le détail dans la description de genre. La fable manque toutefois de subtilité, et l’on en ressort à peu près aussi soulagé que l’héroïne du village.

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