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Histoires Web lundi, mars 10
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Une quarantaine d’agressions sexuelles sur une dizaine d’années, et une ambiance délétère : trois anciens hauts cadres de la société de jeux vidéo Ubisoft sont jugés par le tribunal correctionnel de Bobigny, à partir de lundi 10 mars. Ils sont accusés de harcèlement moral et sexuel systémique envers leurs employés.

Le scandale éclate au grand jour en juillet 2020 après la publication d’une vague de témoignages anonymes sur le réseau social X ainsi qu’une enquête publiée dans le journal Libération. Dans la foulée, Serge Hascoët, directeur créatif et numéro deux du groupe, démissionne. Thomas François et Guillaume Patrux sont, eux, licenciés pour faute grave.

Films pornos sur haut-parleur

Thomas (dit « Tommy ») François concentre contre lui le plus de témoignages accablants. Ils révèlent une attitude inappropriée au sein des locaux du spécialiste français de la tech, situés à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Agé de 38 à 46 ans sur la période de prévention retenue par la justice, celui qui est alors vice-président du service éditorial d’Ubisoft aurait eu pour habitude de diffuser des films pornographiques dans l’open space, de commenter publiquement le physique des employées qu’il insultait de façon régulière.

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Humiliations publiques et actes analogues à du bizutage comme quotidien : l’homme pouvait autant s’amuser à ligoter une employée à une chaise qu’à lui barbouiller le visage de feutre. Outre ces accusations de harcèlement sexuel et moral, il est poursuivi pour tentative d’agression sexuelle ayant voulu, lors d’une fête de Noël, embrasser de force une jeune employée, maintenue par d’autres collègues.

Tommy François incitait « ses subordonnés à agir de même, usant notamment à cette fin de son aura et de sa position hiérarchique élevée au sein de la société », selon un rapport d’enquête consulté par l’Agence France-Presse (AFP). L’enquête pénale, consultée par Le Monde, décrit l’ambiance de l’open space du service éditorial comme celle d’une chambre d’adolescent, où certains « créa » régnaient en maîtres. Ils rotaient, invectivaient les femmes, se grattaient les fesses, passaient des films pornos sur haut-parleur et se faisaient livrer du shit.

Une « secte »

Serge Hascoët, pour sa part, est accusé de comportements libidineux, de questions intrusives de nature sexuelle ainsi que de commentaires et actes racistes. Après les attentats de 2015, il aurait demandé à une employée de confession musulmane si elle adhérait aux idées du groupe Etat islamique. Cette assistante de direction pouvait retrouver des images de sandwich au bacon en fond d’écran de son ordinateur ou de la nourriture déposée sur son bureau pendant le mois du ramadan.

Troisième prévenu dans ce procès : l’ancien « game director » Guillaume Patrux, 39 ans, est quant à lui renvoyé pour harcèlement moral. Des dizaines de témoins ont été entendues lors de l’enquête mais « un grand nombre renonçait à déposer plainte par crainte des réactions du milieu du jeu vidéo », selon le rapport dont l’Agence France-Presse a eu connaissance.

Contactés par Le Monde, plusieurs témoins parlent du groupe comme d’une « secte ». Le dossier énumère de nombreuses tentatives pour obtenir de l’aide des ressources humaines (RH). A une assistante qui se disait harcelée et agressée sexuellement, une directrice des RH aurait répondu « qu’il ne fallait pas venir la voir pour chaque petite contrariété ».

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Le Monde avec AFP

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