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Histoires Web mercredi, juin 26
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La première fois que j’ai compris à quel point mon autisme était incompatible avec les études supérieures, j’avais 18 ans et je venais d’oublier de me connecter à mon premier partiel en ligne. C’était pendant le deuxième confinement. Ma mère me l’a rappelé sur le fil.

Tout au long de ma licence de cinéma, à Toulouse, la situation s’est reproduite. Je n’étais jamais au courant des échéances, j’oubliais de me présenter aux examens, je n’arrivais pas à suivre en cours. Comment peut-on rester quatre heures assis sur un banc à écouter une personne parler, même sans être neuroatypique ?

Quand j’étais au lycée, tout était plus facile, à taille humaine. Mes professeurs connaissaient mon handicap, ils m’accompagnaient et avaient le numéro de ma mère si besoin. En arrivant à l’université, j’ai eu comme l’impression de changer de monde. Je n’avais pas d’amis, les professeurs ne me connaissaient pas, tout était plus grand. Changer d’échelle, cela rend l’accompagnement personnalisé plus difficile à mettre en œuvre.

J’ai été diagnostiquée haut potentiel intellectuel (HPI) à 6 ans et autiste Asperger à 13 ans, après une tentative de suicide qui a déclenché un suivi psychiatrique. Jusque-là, j’étais considérée par mon neuropédiatre comme précoce, mais pas différente. Au collège, il avait voulu m’envoyer dans une classe spéciale pour personnes atypiques, dans un collège privé. Ma mère a refusé, cela m’aurait isolée des autres. Dans mon collège de secteur, j’avais la chance d’avoir des amis, des bonnes notes, ça se passait bien avec les professeurs. Toute ma vie, ma mère a fait en sorte que je fasse des études sans être ostracisée par les personnes neurotypiques.

Difficultés à interagir

Mon autisme se traduit par des difficultés à interagir avec les autres et à comprendre les situations sociales. Je n’arrive pas à reconnaître spontanément l’angoisse, l’ennui, la peur de quelqu’un. Si je ne fais pas l’effort conscient de lire les visages et de reconnaître les émotions, je ne les vois pas. Pour y remédier, je fais constamment des classements et des listes dans ma tête. Je mets mes amis dans des cases, je relie leurs comportements à des expériences passées pour savoir comment réagir.

Par exemple, j’ai inventé une « théorie des masques sociaux » pour savoir comment me comporter avec les gens qui souhaitent m’impressionner ou m’amadouer. Je fais correspondre leurs attitudes aux quatre saisons. Le masque de l’hiver renvoie à des personnes hautaines : il ne faut pas trop leur poser de questions. Mais tout cela n’est pas instinctif et me fatigue énormément.

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