Tourné à La Réunion, « Marmaille » aborde avec fraîcheur le tabou de l’abandon des enfants par une mère

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Quand une scène de colère est réglée en un plan, avec une porte d’appartement qui claque violemment, on se dit que c’est un bon début. Trop de clichés et de lourdeur gâchent parfois ces récits de famille en crise, les enfants pleurant dans la cuisine, les parents hurlant, sans compter les accessoires de déco ajoutant un stigmate social – la bouteille de jus de cinq litres sur la table, sous-entendant qu’elle a été achetée au rabais, quand il s’agit de gens défavorisés.

Dans Marmaille, de Grégory Lucilly, originaire de l’île de La Réunion, c’est une mère au bout du rouleau qui met ses deux ados à la rue, un frère et une sœur. On la voit à peine, on ne saura pas trop pourquoi, on comprend juste que le garçon est le plus difficile à vivre. Thomas (Maxime Calicharane) ne rêve que de passer un concours de breakdance, et pour le reste, c’est une tête brûlée. Sa sœur aînée, Audrey (Brillana Domitile Clain), va lui servir de boussole. Elle trouve un emploi, s’accroche, même si elle galère avec son bébé qu’elle a eu trop jeune, avec un garçon qui n’est pas à la hauteur.

Devant l’assistante sociale, Thomas et Audrey ne voient plus qu’une solution : reprendre contact avec leur père, lequel s’est remarié et a deux enfants. Cela fait bien dix ans qu’ils ne l’ont pas vu, et les plaies ne se sont pas refermées.

Film en langue créole

A partir de là, le scénario s’attache à semer la route d’embûches et retombe, il faut bien le reconnaître, en terrain balisé – les retrouvailles avec le père ne sont pas si simples, et autres éléments convenus. Mais aucun personnage n’est noirci à l’excès. Le film ne résiste pas non plus à une forme de lyrisme, limite comique, lorsque Thomas le danseur, après avoir vandalisé l’appartement de sa mère, s’enfuit en courant dans la rue et trouve l’énergie de nous faire quelques pirouettes !

Mais le film tourné en langue créole reste attachant : les jeunes acteurs sont rayonnants, et le récit fait émerger pléthore de questions sensibles, notamment sur les garçons, qu’il faudrait éternellement éduquer – à suivre le droit chemin, à bien se comporter en amour. Thomas rencontre une petite amie qui veut bien lui laisser une chance de se rattraper, mais sans doute pas deux. Un film énergisant et porteur d’espoir, sur la possibilité de se dépasser et de fuir les démons.