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« Il est parti pêcher, et il n’est jamais revenu, raconte Maundi*. A la place, nous avons reçu un cadavre. » En mars 2022, l’oncle de Maundi est battu à mort par des soldats. Sa seule faute : s’être approché trop près du site de gaz naturel liquéfié de TotalEnergies au Mozambique. Situé dans la province du Cabo Delgado, dans le nord-est du pays, le site est l’un des projets phares de la multinationale, évalué à 23 milliards de dollars.

Les infrastructures locales du pétrolier français sont au cœur d’une insurrection djihadiste qui sévit dans la région depuis 2017. Lorsque la rébellion atteint les abords de son site, en mars 2021, Total suspend ses activités et laisse ses infrastructures sous la protection des forces armées mozambicaines, regroupées dans une unité baptisée Joint Task Force (JTF).

Pourtant de nombreux témoignages comme celui de Maundi* les accusent d’exactions contre des civils depuis plusieurs années. A l’été 2021, selon ceux récoltés par le journal Politico, l’armée mozambicaine a notamment séquestré et torturé des dizaines de civils dans des conteneurs métalliques pendant plusieurs semaines sur les terres octroyées au projet. En réaction, TotalEnergies a répondu n’avoir « jamais reçu d’information indiquant que de tels événements aient effectivement eu lieu ». Contactée, l’entreprise dit toutefois qu’une enquête a été ouverte, à sa demande, par le procureur général du Mozambique.

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Des conteneurs métalliques à l’entrée de la concession de Mozambique LNG en juillet 2021. Satellite image ©2024 Maxar Technologies.

Des documents attestent que Total avait connaissance des exactions

Selon des documents inédits de Total que Le Monde a pu consulter, il ne s’agissait pourtant pas des premières accusations à l’encontre de ces militaires. Des plaintes pour extorsions, disparitions et même violences ayant conduit à la mort de deux pêcheurs sont consignées dans des rapports sociaux trimestriels rédigés par les équipes de Mozambique LNG – la filiale via laquelle Total conduit le projet – elles-mêmes. Ces rapports sont ensuite transmis aux financeurs publics du programme, en l’occurrence à l’agence italienne de crédit à l’exportation, la SACE. C’est auprès d’elle et en vertu du droit d’accès à l’information que l’ONG italienne ReCommon et Le Monde ont pu obtenir ces documents.

Ces rapports décrivent une longue liste de violences contre les civils, et ce dès avril 2021 : « Depuis le 2 avril, les habitants locaux ont régulièrement fait état de violations des droits humains commises par la Joint Task Force (limitation de la liberté de mouvement, extorsion, violence, arrestations, disparitions) », détaille un compte rendu daté de septembre 2021.

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