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Un premier ministre en exercice s’expliquant pendant plus de cinq heures devant des députés sur l’un des sujets de société les plus brûlants du moment : l’audition de François Bayrou devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires », mercredi 14 mai, n’avait rien de banal.

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Certes, le long dialogue entre le chef du gouvernement et les députés n’a pas permis d’éclaircir toutes les zones d’ombre entourant le scandale des violences et des viols qui font l’objet de plus de 200 plaintes visant le collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram, établissement catholique situé près de Pau, ville dont M. Bayrou est resté maire. Mais l’exercice, diffusé en direct, s’il demande à être mieux maîtrisé, a démontré son utilité et fait apparaître les différents niveaux de lecture de cette retentissante affaire. Un objet politique gênant pour un premier ministre accusé de l’avoir étouffé lorsqu’il était président du conseil général et ministre de l’éducation nationale ; la terrible omerta qui a pesé sur des violences psychologiques, physiques et sexuelles perpétrées entre les années 1950 et 2000 dans une institution religieuse réputée ; enfin, les leçons à en tirer pour aujourd’hui.

Sur le premier point, l’audition de M. Bayrou a tenu du duel politique l’opposant à Paul Vannier, député La France insoumise et corapporteur de la commission, qui n’a jamais caché son objectif : faire tomber le premier ministre avec cette affaire. Le ton de procureur exigeant – en vain – des aveux adopté par l’élu « insoumis » a permis au premier ministre de contre-attaquer en se présentant en victime d’une cabale politique, répétant que sa version des faits n’avait « pas varié » alors qu’il s’est contredit à plusieurs reprises et que sa mémoire, s’agissant de faits vieux de plusieurs décennies, s’est montrée parfois défaillante.

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Démonter les mécanismes en œuvre

Tout en assurant ne pas avoir été informé des exactions commises sur les élèves de Bétharram, M. Bayrou a assuré que des « méthodes un peu rudes » étaient acceptées « il y a trente ans dans ce type d’établissements là ». Tout en mettant en cause frontalement le témoignage de l’enseignante qui les avait dénoncées au milieu des années 1990, il s’est targué d’avoir, au même moment, en tant que ministre de l’éducation nationale, publié une circulaire contre la violence en milieu scolaire.

De #MeToo à la révélation des violences sexuelles massives dans l’Eglise, la société française n’a, il est vrai, que récemment commencé à ouvrir les yeux sur ces réalités, et les députés sont dans leur rôle lorsqu’ils cherchent à démonter les mécanismes qui étouffent le scandale, déjouent le principe de protection de la jeunesse et empêchent les victimes de parler au grand jour.

Toute la question est à présent de savoir si, au-delà des arrière-pensées politiciennes de ses animateurs, le travail de la commission sur les violences en milieu scolaire peut déboucher sur des avancées concrètes permettant une véritable expression des victimes et une prévention efficace. L’opération « Brisons le silence » du ministère de l’éducation nationale, qui consiste à interroger anonymement les élèves au retour de voyages scolaires et dans les internats, est une première étape. Et le premier ministre a prôné la création d’une autorité indépendante sur les violences contre les enfants. Au-delà de son rôle d’alerte et d’information, le travail des députés s’avérera salutaire, surtout s’il contribue à aider le pays à passer d’une culture du silence à celle de l’écoute.

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Le Monde

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