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Histoires Web vendredi, octobre 11
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« Syndrome Emily in Paris », « Terroir washing »… Dans une étude pour l’Institut Terram et la Fondation Jean Jaurès publiée le vendredi 11 octobre, Raphaël Llorca, essayiste et codirecteur de l’Observatoire marques, imaginaires de consommation et politique, poursuit le travail entamé avec son essai Le Roman national des marques (2023, éditions de l’Aube), qui montre le poids prépondérant des marques commerciales dans le récit national. Il s’intéresse cette fois à leur rôle, ces dernières années, dans la construction d’un « imaginaire territorial », c’est-à-dire des représentations et récits associés aux territoires, et à la façon dont celles-là participent à entretenir des représentations souvent déformées ou stéréotypées de certaines régions.

Lire aussi (2023) | Article réservé à nos abonnés Raphaël Llorca, essayiste : « Le politique doit de nouveau raconter la France »

« Aux côtés du cinéma, de la télévision et de la littérature, les marques sont devenues l’une des instances principales de sécrétion d’imaginaires territoriaux, souligne l’étude. Leurs discours, leurs imageries, leurs univers graphiques exercent une influence sur la façon dont le grand public se représente la réalité de tel ou tel territoire. » Les années 2020 – marquées par la crise liée au Covid-19, qui a accéléré un profond mouvement de réévaluation de l’ensemble des territoires –, représentent en cela « un tournant territorial des marques ». De la grande distribution aux assureurs, des banques au service public, des chaînes de fast-food aux voitures de transport avec chauffeur (VTC), le « local » et le « terroir » s’imposent comme l’un des espaces de communication les plus utilisés dans la publicité.

Ainsi des enseignes de la grande distribution qui font passer leur argumentaire de vente de la promotion au lieu de production (« Fier de son terroir » ou « Authentiques comme leur viande », clame Lidl en 2019) ; des acteurs comme La Poste (« La proximité, c’est un métier », 2021) ou la Française des jeux (« Faire gagner la vie locale », 2021) qui réaffirment leur ancrage territorial. Ou encore la SNCF, qui au lendemain du confinement s’est positionnée comme l’acteur qui « accompagne les Français dans leur retour au voyage, à la découverte des trésors de nos régions ».

Le cas d’école Airbnb

Plusieurs explications à ce tournant. Un aspect commercial : répondre à l’aspiration à davantage de proximité exprimée par les consommateurs dans le contexte suivant la crise liée au Covid-19. Mais aussi, estime M. Llorca, parce que, dans le même temps, la question territoriale est redevenue centrale dans le débat public. Sur le plan social et politique d’abord : avec le mouvement des « gilets jaunes » et tout le discours sur la déconnexion du politique qui l’accompagne. Sur le plan théorique ensuite : « Avec L’Archipel français (2019) comme grille de lecture quasi-monopolitistique de la société française : l’ouvrage à succès du politologue Jérôme Fourquet installant l’idée que la Nation jadis “une et indivisible” serait aujourd’hui divisée en îlots séparés les uns des autres. »

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