Meilleures Actions
Histoires Web vendredi, septembre 27
Bulletin

Assourdissant, tétanisant, définitivement saisissant. Le chorus de cinq guitares saturées, grattées à fond par des instrumentistes qui ne connaissent qu’un seul accord majeur, donne un tour d’écrou au spectacle takemehome, chorégraphié par Dimitri Chamblas en complicité avec la musicienne et plasticienne américaine Kim Gordon. Cette collaboration au plus près avec la star et cofondatrice du groupe de rock Sonic Youth, dans les années 1980, impulse une force visuelle et sonore à ce trip atmosphérique émergeant de l’obscurité.

Lire la rencontre (2020) : Article réservé à nos abonnés Marion Barbeau et Simon Le Borgne, les aimants de l’opéra

Avec neuf interprètes, dont Marion Barbeau, vedette du film En corps (2022), de Cédric Klapisch, takemehome, à l’affiche les 27 et 28 septembre de la Maison de la danse de Lyon (après Chaillot-Théâtre national de la danse, à Paris), fait vibrer fort son titre mélancolique. Il résonne comme un mantra, une prière désenchantée que l’on se répète en boucle lorsqu’on est perdu. « Ramène-moi à la maison ! » Mais le refuge existe-t-il encore ou n’est-il qu’un mirage niché au fin fond de l’esprit des personnages errant sur le plateau ?

Partition hachée

Avec cette première pièce de groupe, Dimitri Chamblas, partenaire de création de Boris Charmatz, enseignant au California Institute of the Arts, dans la banlieue de Los Angeles, après avoir piloté 3e scène, plate-forme numérique de l’Opéra national de Paris, sous la direction de Benjamin Millepied, est de retour en France. Dans le programme présentant le spectacle, il raconte qu’il en a eu l’idée pendant ses trajets nocturnes en voiture dans la ville californienne. D’où la saveur acidulée de défaite et de solitude qui enveloppe son propos.

« Takemehome », de Dimitri Chamblas, à Los Angeles (Etats-Unis), en 2023.

Un Zeppelin blanc plane au-dessus des corps recroquevillés et apparemment endormis. D’autres déboulent en trombe comme pour échapper à on ne sait quel danger. Abandon et léthargie d’un côté, tension et débordement de l’autre, le plateau est un champ magnétique strié d’intensités variables. Un homme marche lentement ; une femme crépite dans une envolée de gestes nerveux ; une autre chute à quatre pattes… Soubresauts et retournements, tentatives d’équilibre sur la tête ou de duos éphémères, la partition chorégraphique est hachée au diapason d’un monde sans boussole.

Takemehome est la troisième collaboration de Dimitri Chamblas avec Kim Gordon, également basée à Los Angeles, qui signe la musique. La séquence où les danseurs jouent de la guitare lui doit évidemment beaucoup. Lorsque le son profond et massif des instruments fait irruption dans l’espace, il emporte par sa virulence répétitive. Paradoxalement, la chape musicale qui tombe sur scène fige les interprètes en les rassemblant momentanément dans un bloc compact. Distorsion urbaine, vrille humaine, takemehome pousse alors un hurlement vital, comme une alerte rouge.

Il vous reste 4.77% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.