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Le label ECM (Edition of Contemporary Music) existe depuis une quinzaine d’années lorsque son fondateur, l’Allemand Manfred Eicher, décide de le doter d’une collection, New Series, consacrée à la musique notée sur partition et non improvisée comme le jazz qui a, jusque-là, assuré la réputation du producteur munichois. Réédité aujourd’hui dans le format vinyle en usage à l’époque de sa publication (septembre 1984), le premier disque ECM New Series est entièrement dévolu à la musique d’Arvo Pärt, dont une des œuvres fournit le titre de l’album, Tabula rasa.

On ne peut s’empêcher de sourire en pensant que le principe de la table rase avait été vigoureusement érigé en mot d’ordre de la création par les chefs de file d’un renouveau musical qui, après 1945, se devait, selon eux, d’oublier totalement le passé pour repartir de zéro. Pierre Boulez (1925-2016), l’un des principaux théoriciens de cette avant-garde nourrie de complexité spéculative, semble toutefois avoir pris ses distances avec ce dogme extrémiste quand il livre, en 1984, une version définitive de Répons, son grand œuvre pour ensemble et électronique, dont le titre et le principe renvoient à une pratique en vogue… au Moyen Age.

L’image de la table rase investie par Arvo Pärt n’a évidemment rien à voir avec celle imposée par Pierre Boulez et consorts. Elle résulte cependant d’une semblable prise de conscience de l’impossibilité de s’exprimer « comme avant ». L’Estonien, né en 1935, a d’abord, comme la plupart des francs-tireurs essayant d’exister en Union soviétique, tâté du sérialisme, mais il en est assez vite revenu. Dans la notice du disque, Wolfgang Sandner évoque la rencontre d’Arvo Pärt avec un moine qui lui a dit qu’il n’était plus nécessaire d’inventer des prières, car elles avaient toutes été écrites.

Arrêt sur image

De cette assertion élevée au rang de vérité, le compositeur avait tiré une leçon d’humilité. « Nous devons nous attendre à ce que notre musique prenne fin un jour. Peut-être l’artiste le plus grand connaîtra-t-il le moment où il ne voudra ou ne pourra plus créer ? » Arvo Pärt a vécu une telle situation et a cessé de composer entre 1974 et 1976. Son retour à la musique s’est opéré en 1977, principalement avec les trois œuvres enregistrées pour ce disque bien après le passage à l’Ouest, Vienne puis Berlin, de l’Estonien ayant acquis la nationalité autrichienne. Fratres (en deux versions), Cantus in Memoriam Benjamin Britten et Tabula rasa. La quintessence d’un style fondé sur le dénuement, la simplicité et la répétition.

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