Sur Instagram, les dégustations poétiques d’Eliana Golomb

Une crème fouettée à peine entamée, comme un nuage dans lequel on aurait mordu, un morceau de beurre en forme de cœur qui glisse lentement dans une poêle chaude, une baguette mise à réchauffer sur un radiateur en fonte… Ce sont ces petits riens du quotidien qu’Eliana Golomb met bout à bout sur son compte comsi_comsa_.

Derrière cette expression désuète se cache une photographe professionnelle circulant entre Tel-Aviv et Paris, au gré de son travail pour des agences. Elle s’en tient ici à son téléphone pour saisir en plan serré toutes les nourritures qui l’apaisent : « Il y a quelque chose dans leur texture, leur couleur et leur présence que je trouve à la fois réconfortant et intriguant. Tous dégagent un certain calme, voire une tendresse un peu étrange. »

Volutes hypnotiques

A rebours des photographies culinaires mises en scène pour nous faire saliver, on reste ici suspendu à chaque image, contemplant les volutes hypnotiques d’un trait de lait libéré dans un café ou admirant un œuf à l’allure cosmique dont la coquille immaculée commence à se fissurer.

Autant de remèdes pour faire baisser la fièvre de nos balayages compulsifs sur le flux du réseau. Des vidéos s’immiscent parfois entre les clichés, tel cet épluchage en boucle et en gros plan d’une orange, qui évoque, surgi du Parti pris des choses (1942), de Francis Ponge, le texte sur cet agrume et « sa façon particulière de parfumer l’air et de réjouir son bourreau ». On repense aussi au mot « instant », qu’on a fini par ne plus entendre dans le mot « Instagram ».