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Histoires Web mercredi, octobre 30
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« Défense d’entrer ». La gigantesque plaque métallique posée sur la grille de la propriété de Stanley Kubrick, près de Saint Albans, dans la campagne du Hertfordshire, à une trentaine de kilomètres de Londres, ne laisse aucune ambiguïté sur le désir de l’ancien maître des lieux de préserver son intimité. Si jamais l’injonction échappait au visiteur curieux, une nouvelle plaque l’attend 2 kilomètres plus loin, vissée à un autre portail, encore plus imposante : « Interdit d’aller plus loin ». Ces interdictions apparaissaient autrefois comme autant d’impératifs catégoriques destinés à ériger un mur entre Kubrick et le reste du monde. Le réalisateur américain est mort en 1999, juste après avoir présenté le premier « bout à bout » de son ultime film, Eyes Wide Shut, mais lui ont survécu les signes de son désir d’insularité.

Stanley Kubrick se trouvait, en 1977, en pleine préparation de Shining quand il a trouvé son propre Overlook Hotel. Dans le roman de Stephen King, il s’agissait d’un établissement coupé de tout en pleine montagne, où l’écrivain incarné par Jack Nicholson était gagné par une folie meurtrière. Pour Kubrick, il prendra la forme plus champêtre du manoir de Childwickbury, acheté à un entraîneur de chevaux. « Attention, dans Childwickbury, il ne faut pas prononcer le “l” », insiste Katharina Kubrick, la fille que Christiane Kubrick, épouse du cinéaste, a eue d’un premier mariage et que le cinéaste adopta et éleva. Au volant de son 4 × 4, elle passe devant un haras, puis un troupeau de vaches. Une forêt surgit, mais pas de maison à l’horizon. Childwickbury n’est pourtant pas un mirage.

Katharina Kubrick y réside en compagnie de sa mère, qui travaille encore dans son atelier de peinture, et de son neveu, Sam Kubrick, un musicien de heavy metal, fils de sa demi-sœur, Anya Kubrick, décédée en 2009. Childwickbury était à l’origine un manoir, dénomination dont sa fille conteste la ­pertinence. « Si c’était un manoir, il y aurait un lord. Mon père n’avait rien d’un lord. » Etranger à cette aristocratie, Stanley Kubrick ­possédait pourtant toutes les qualités d’un châtelain.

Enterré dans sa propriété

Plusieurs parties du bâtiment remontent à la période élisabéthaine ; elles sont aujourd’hui adossées à une bâtisse plus récente aux fissures apparentes. Les écuries, autrefois transformées par le cinéaste en salle de montage et en bureaux, sont désaffectées. Des forêts et des pâturages, ainsi qu’un mur d’enceinte mettent les lieux hors d’atteinte. Le Xanadu de Stanley Kubrick, son royaume lointain et isolé, donnait sans doute à ses visiteurs le sentiment de pénétrer dans une autre dimension. Ce domaine visait à le rendre intouchable. « Un jour, se souvient Katharina Kubrick, un homme frappe à notre porte, mon père ouvre, le monsieur demande : “J’aimerais rencontrer Stanley Kubrick.” Mon père lui a répondu : “Il est absent aujourd’hui.” Et il a refermé la porte. »

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