Le chef de l’armée soudanaise a déclaré, mercredi 26 mars au palais présidentiel, que Khartoum était « libérée ». « C’est terminé », a ajouté le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, dirigeant de facto du Soudan, dans un discours diffusé par la télévision publique. Le porte-parole de l’armée, Nabil Abdallah, avait signalé quelques heures plus tôt à l’Agence France-Presse (AFP) que les troupes avaient « sécurisé complètement » l’aéroport international, où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) étaient positionnés depuis le début de la guerre en avril 2023.
L’armée a été accusée la veille d’avoir mené, dans l’ouest du pays, l’une des frappes les plus meurtrières depuis le début de la guerre. Des témoins ont fait état d’au moins 270 morts dans un bombardement lundi sur un marché de Tora, au Darfour du Nord, imputé à l’armée, qui a démenti viser les civils. L’AFP n’a pas pu confirmer ce bilan de source indépendante.
Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit mercredi « profondément choqué ». « Mon bureau a appris que 13 des personnes tuées appartenaient à une même famille », a-t-il déclaré, ajoutant que les civils « continuent d’être tués sans discernement, mutilés et maltraités presque quotidiennement ».
Crise humanitaire majeure
Après un an et demi de défaites, l’armée soudanaise a renversé la situation fin 2024 en s’imposant dans le centre du pays avant de se diriger vers Khartoum. Elle a lancé en janvier une offensive vers la capitale, d’où elle avait été chassée après le début de la guerre entre les FSR, commandées par Mohammed Hamdan Daglo, et l’armée du général Al-Bourhane, deux anciens alliés devenus rivaux.
Depuis vendredi, l’armée avait repris le palais présidentiel de Khartoum, la banque centrale, le siège des services de renseignement et le Musée national. Interrogées sur cette progression, les FSR n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
Deux sources médicales ont dit à l’AFP que les FSR avaient évacué mercredi l’hôpital Tamayoz, situé juste au sud de l’aéroport, qu’elles utilisaient pour soigner leurs combattants. « Il n’y a plus de FSR dans le quartier Sahafa depuis mardi soir », a déclaré à l’AFP Ossama Abdel Qader, un habitant de ce quartier du centre de Khartoum. Des images partagées sur les réseaux sociaux ont montré des habitants du centre de Khartoum célébrant la retraite des paramilitaires.
« Dans le sud de la capitale, nos forces ont encerclé la zone stratégique de djebel Awliya », le dernier grand bastion des FSR dans la ville, a précisé une source militaire sous le couvert de l’anonymat. Selon elle, les paramilitaires traversaient mercredi le Nil Blanc par le pont de djebel Awliya pour rejoindre l’ouest du pays, notamment le Darfour, une région presque entièrement sous leur contrôle. Jusqu’à mercredi, les FSR contrôlaient djebel Awliya ainsi que les faubourgs ouest et sud d’Omdourman, proche banlieue de Khartoum.
Au moins 3,5 millions d’habitants de Khartoum ont été contraints de fuir en raison des combats, selon les Nations unies. Des millions d’autres, ne pouvant ou ne voulant pas partir, ont dû affronter la faim, subir des violences et les bombardements de la part des deux belligérants, d’après l’ONU et des organisations de défense des droits humains.
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La guerre a fait des dizaines de milliers de morts, déraciné plus de 12 millions de personnes et provoqué une crise humanitaire majeure. Elle a également divisé ce pays pauvre, l’armée contrôlant l’est et le nord, les FSR presque tout le Darfour et des parties du Sud.
Les Nations unies ont exprimé une vive inquiétude face aux « attaques permanentes contre les civils », dans tout le pays, incluant le raid à Tora et une attaque d’artillerie des FSR contre une mosquée de Khartoum dimanche. Les Etats-Unis ont imposé des sanctions à MM. Al-Bourhane et Daglo, accusant spécifiquement ce dernier de génocide au Darfour.