« Sneakers Empire », sur Culturebox et France.tv : comment la « sneaker culture » est devenue une consommation de masse

CULTUREBOX – SAMEDI 21 SEPTEMBRE À 21 HEURES – DOCUMENTAIRE

On ne dit plus « basket » pour désigner les chaussures des basketteurs, ni « tennis » pour celles des joueurs de tennis, mais « sneaker », un mot anglais qui regroupe les deux, depuis que les chaussures de sport se sont émancipées des stades pour être portées en ville, au bureau, à l’école ou dans les soirées.

Il y a ceux qui le savent, les « 15, 30 et 40 ans », auxquels le réalisateur Sébastien-Abdelhamid Godelu s’adresse pour partager sa passion pour « la sneaker culture ». Et les autres, qui ne doivent pas se détourner pour autant du film, tant cet exemple de révolution vestimentaire est révélateur des évolutions de nos modes de consommation.

« Je m’appelle Stan Smith. Tout le monde pense que je suis une chaussure », déclare ainsi avec humour un vieux tennisman américain en survêtement dans une vidéo. Tout un symbole : le meilleur joueur mondial du début des années 1970 reste en effet dans les mémoires surtout depuis qu’Adidas a donné son nom à une tennis blanche.

Jordan 3 et Air Max

A partir de 1992, le tennis passe le flambeau au basket-ball et à sa Dream Team de NBA, le championnat national américain. La sneaker entre dans une autre dimension lorsqu’un marketeur de Nike, Sonny Vaccaro, parie sur un certain Michael Jordan : à la sortie de la Jordan 1, Nike double son chiffre d’affaires. « Les Noirs ne regardaient pas le tennis, mais ils regardent le basket : on leur offre un life style », explique l’universitaire Maximilien N’Tary-Calaffard.

Pour décrypter les dessous de ces accords, le film donne ainsi la parole à un panel impressionnant d’intervenants, qui va de fans incollables et inconnus au joueur Giannis Antetokounmpo en passant par Tony Bignell, vice-président performance Nike basketball et ingénieur sur le modèle Nike Shox. Parmi les personnalités médiatiques, Mouloud Achour, présentateur de « Clique », sur Canal+, ou encore le youtubeur Inoxtag. « C’était devenu une addiction », reconnaît le créateur de contenus, dont le documentaire Kaisen sur son ascension de l’Everest dépasse les 20 millions de vues.

Egalement au commentaire, le réalisateur s’autorise quelques « pauses » – le mot s’affiche à l’écran – bienvenues, tant le film est dense, avant d’être à nouveau happé par les histoires : sur le rôle du cinéaste Spike Lee dans l’élaboration de la Jordan 3 ; sur celui de l’acteur Will Smith, chaussé de Jordan 5 dans la série Le Prince de Bel Air ; sur l’« effet cour de récré » dans le succès de l’Air Max, la chaussure avec la bulle d’air qui fait pschitt…

Un documentaire en forme de tourbillon, jusqu’au premier déclic : des sneakers à 949 euros qui s’écoulent au rythme d’une centaine par jour. Ceux qui influent sur les ventes, Kanye West en tête, n’appartiennent plus au monde du sport. La culture laisse place au business et la passion à la consommation de masse (la hype). Apparaissent le « recel » (reventes) et les « raffles » (prononcer « rafels »), des tirages au sort en ligne dans lesquels on gagne… rien, juste le droit d’acheter.

Conséquence, « tu crois avoir la dernière paire, mais ce n’est jamais la dernière paire », dénonce la créatrice et designeuse Aude-Julie Alingue. « Je sais maintenant comment les marques font », ajoute-t-elle en pointant la responsabilité des consommateurs. Des consommateurs désormais avertis.