Le 2 décembre 2018, Zineb Redouane mourait sur une table d’opération de l’hôpital de la Conception, à Marseille. La veille au soir, cette Algérienne de 80 ans avait reçu une grenade lacrymogène en plein visage, tirée par un CRS lors d’une manifestation des « gilets jaunes », alors qu’elle était en train de fermer les fenêtres de son appartement situé au quatrième étage, rue des Feuillants, non loin du Vieux-Port. Cette manifestation s’était terminée en violents affrontements tout près de son domicile, dans une atmosphère saturée de gaz lacrymogènes : 200 grenades avaient été tirées.
Six ans après le décès de « Mama Zina », comme elle était surnommée par ses enfants, le policier à l’origine du tir a été mis en examen, le 12 septembre, pour « homicide involontaire », a appris Le Monde. « Il est regrettable d’avoir dû attendre autant d’années pour obtenir la mise en examen du policier », déplore Yassine Bouzrou, l’avocat des enfants de la victime. Le gardien de la paix mis en cause a choisi de garder le silence lors de son audition de première comparution devant les deux juges chargées de l’instruction au tribunal judiciaire de Lyon. Thibault de Montbrial, le conseil du policier, n’a pas souhaité faire de commentaire.
Cette première mise en examen marque une étape, au terme d’années de procédures. Une enquête préliminaire a été ouverte le 4 décembre 2018. Il a fallu d’abord dix-huit mois et un rapport balistique pour identifier le CRS, sa position et l’heure exacte du tir : le rapport estimait que le tireur se situait « entre les deux rails sur la voie du tramway (…) son buste orienté en direction de la rue des Feuillants », et identifiait un tir, à 19 h 04, qui « semble être celui qui est à l’origine des lésions corporelles de Mme Redouane ».
Ce soir de 2018, sur les 70 agents que comptaient les rangs de la CRS 50, dépêchée depuis Nice pour sécuriser les manifestations, cinq étaient équipés de lance-grenades Cougar. Mais aucun n’avait avoué être l’auteur du coup de feu, tous disant ne plus vraiment se souvenir des événements. Ce n’est qu’en avril 2021 – dans le rapport de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) –, que son nom avait été dévoilé.
Pour l’identifier, les enquêteurs avaient dû procéder par élimination : après avoir analysé la vidéo d’un manifestant postée sur YouTube, les échanges radio entre les agents, les auditions administratives, la modélisation 3D du média Disclose – qui avait reconstitué la scène du tir –, et en s’appuyant sur les clichés du rapport balistique, l’IGPN avait pu écarter quatre des policiers.
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