Quand la Russie a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine, le 24 février 2022, nos forces armées n’ont pas été les seules à réagir. C’est tout le pays qui s’est mobilisé – nos agriculteurs, nos ingénieurs, nos enseignants, nos informaticiens, nos artistes, nos fonctionnaires. Ce que le monde n’a pas su anticiper – et ce dont l’Europe doit aujourd’hui prendre conscience de toute urgence –, c’est que si l’Ukraine a pu tenir, c’est non seulement grâce à la robustesse de ses institutions, mais aussi grâce à la volonté et à l’ingéniosité de sa population. Il est temps pour l’Europe d’en tirer les enseignements et de réimaginer la défense comme une mission qui incombe à chaque citoyen.
Sur le front de la sécurité, la stratégie européenne repose en bonne partie sur ses capacités de dissuasion militaire. Mais, en réalité, rares sont les pays européens qui sont préparés à un conflit de haute intensité. Et je parle ici en connaissance de cause, puisque je suis amenée à rencontrer régulièrement des responsables du secteur de la défense et de l’industrie à travers toute l’Europe – y compris en France, où je me suis rendue, en mars, au Paris Defence and Strategy Forum [Forum de Paris sur la défense et la stratégie]. En privé, tous me le confirment : l’Europe n’est pas prête.
Il ne s’agit pas ici d’une critique adressée aux armées européennes, mais d’une réalité qu’il convient de regarder en face : l’innovation ne vient pas des administrations centralisées de la défense. En France, l’armée investit ainsi dans des systèmes d’armement qui n’ont jamais été mis à l’épreuve en situation de combat et qui, dans certains cas, sont les reliques d’une pensée stratégique datée. Dans le même temps, la société civile est tenue à l’écart et ses talents sont inexploités. Jugez un peu de l’ironie : les personnes qui pourraient contribuer à concevoir des solutions de défense innovantes – les ingénieurs, les dirigeants de la tech, les entrepreneurs sociaux – ne sont ni incitées ni invitées à s’impliquer.
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