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Histoires Web mercredi, janvier 29
Bulletin

« Quatre-vingts », la langue française a une manière très particulière d’écrire ce nombre « quatre-vingts », quatre fois vingt comme si, d’emblée, il nous faisait y lire quatre générations avec un tiret qui les lie. Quatre générations donc sont passées depuis la découverte du camp d’Auschwitz et, à mesure que le temps passe, les rescapés tirent leur révérence un à un dans un souffle qui, même s’il s’étire, ne s’oublie pas.

Ils ont eu du mal à parler, d’abord parce que, ont-ils dit, on ne les écoutait pas, sans doute aussi parce que ce qu’ils avaient à dire était de l’ordre de l’indicible, parce que voulant épargner leurs proches, ils souhaitaient reconstruire. « Au silence d’Auschwitz », selon l’expression du philosophe André Neher (auteur du livre L’Exil de la parole, Seuil, 1970), a succédé un autre silence, celui de l’après-Auschwitz.

Puis est venu le temps de la parole, le temps du témoignage, encore vivant, pour les quelques survivants qui restent encore vivants. Alors ils ont parlé, ils ont dit, ils ont raconté et, de manière intarissable, ils ont transmis à des jeunes et moins jeunes générations pour que jamais cela ne se reproduise, pour que l’on n’oublie pas.

Se souvenir

Je me souviens d’Odette qui disait de sa voix fine et nette qu’elle ne haïssait pas les Allemands, qu’une Allemande l’avait cachée et sauvée, et que, dans la plus grande noirceur des camps, elle s’était dit que, jamais, on ne lui prendrait sa capacité à rêver.

Je me souviens de Yakob (Jacob) qui racontait comment, au beau milieu de la tourmente, de la « catastrophe » – c’est ce que le mot « Shoah » veut dire –, ses camarades et lui avaient collecté quelques bouts de pain dans une casquette pour qu’un jeune chantre puisse, au bout de sa voix et de son souffle, chanter la prière de Kippour, le kol nidrei.

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Je me souviens du texte de Viktor Frankl (1905-1997) et de sa leçon du camp : « Tout peut être pris d’un homme sauf une chose, la dernière des libertés humaines : choisir son attitude dans n’importe quelle circonstance, choisir son propre chemin » (Découvrir un sens à sa vie, J’ai lu, 2013 ; Man’s Search for a Meaning, 1985).

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