Quelques jours après avoir éliminé les Denver Nuggets de son plus féroce concurrent, Nikola Jokic, en demi-finale de conférence Ouest de NBA, Shai Gilgeous-Alexander a une nouvelle raison d’arborer le sourire dont il ne se départit jamais – défaite ou victoire. A 26 ans, le meneur de l’Oklahoma City Thunder (OKC) a remporté, mercredi 21 mai, le trophée de MVP (« Most Valuable Player », meilleur joueur) de la saison régulière de grande ligue de basket nord-américaine, devant le pivot serbe des Nuggets – tenant de la distinction, qu’il a remportée à trois reprises –, devenant le deuxième Canadien récompensé, après Steve Nash, en 2005 et 2006.
« J’en rêvais enfant, mais quand on est enfant, c’est un rêve un peu irréel. Au fil du temps, quand tu réalises que tu te rapproches de ton rêve, c’est difficile de ne pas paniquer, de ne pas redevenir ce gamin de 6 ans, a relaté le meneur d’OKC, lors d’un point presse sur le terrain d’entraînement du Thunder, rapporté par ESPN. C’est justement ça qui m’a permis d’y arriver. J’ai essayé de ne pas me focaliser sur cette récompense, et de me concentrer seulement sur ce qui m’a mené jusque-là. »
Gamin de l’Ontario, ayant grandi à Hamilton, dans la périphérie de Toronto, Shai Gilgeous-Alexander a « toujours pensé qu’[il] pouvait être un très bon joueur », a-t-il raconté, mercredi. A son arrivée dans la grande ligue nord-américaine de basket, en 2018, rares étaient pourtant ceux qui l’imaginaient pouvoir devenir le meilleur joueur de la NBA. Un an après sa draft – cette sorte de bourse aux jeunes joueurs n’évoluant pas dans la ligue –, le meneur a été échangé par les Los Angeles Clippers contre le All-Star Paul George, avec une flopée de choix de draft. Un transfert qui continue de hanter la franchise californienne.
Dans l’Oklahoma, le Canadien a rapidement incarné la jeune équipe du Thunder, d’abord en pleine reconstruction, puis en pleine ascension. Pour la deuxième année d’affilée, Shai Gilgeous-Alexander a mené l’escouade à la première place de la conférence Ouest (68 victoires pour 14 défaites, le meilleur bilan de la ligue), terminant par ailleurs meilleur marqueur de la NBA (32,7 points par match). « Sans mes coéquipiers, [cette récompense] n’aurait pas été possible », a mis en avant le meneur. A cette occasion, il a tenu parole et concrétisé un pari effectué dans les vestiaires du Thunder avant la saison, offrant à chacun de ses partenaires une montre de luxe pour les remercier de lui avoir permis d’être sacré MVP. « C’est le minimum qu’ils méritent. Ce n’est rien, comparé à ce qu’ils sont pour moi », a-t-il justifié.
« Je laisse venir le jeu à moi »
Deuxième au classement du MVP l’an passé, derrière Nikola Jokic, le meneur d’OKC a devancé cette année le pivot des Nuggets, pourtant auteur de la saison la plus aboutie de sa carrière (29,6 points, 12,7 rebonds, 10,2 passes par rencontre), qui devient le premier joueur à ne pas remporter le trophée en ayant signé un triple-double de moyenne. Mais la saison régulière de haut vol de l’équipe de l’Oklahoma a fait pencher les cent votants en la faveur de Shai Gilgeous-Alexander. « J’ai utilisé ma 2e place de l’an passé comme motivation, a exposé ce dernier. Cette année, je voulais changer le cours de l’histoire, j’ai fait un bon boulot. »
Grand meneur (1,98 m), intraitable en défense, le Canadien est un attaquant hors pair au jeu explosif, fait de changements de rythmes incessants, et d’un jeu à mi-distance « à l’ancienne » – signature notamment de Michael Jordan –, à une époque où les joueurs NBA usent (et parfois abusent) du tir à longue distance. Un style de dragster qui tranche avec son calme permanent sur le terrain. « Je ne m’inquiète jamais de mon jeu, de comment se passent les choses. Je me concentre sur l’horloge, le score, la possession, je laisse aller le jeu, je le laisse venir à moi », expliquait-il, à l’orée des playoffs, où son équipe mène (1-0) en finale de conférence face aux Minnesota Timberwolves du Français Rudy Gobert.
Une équipe adverse où évolue Nickeil Alexander-Walker, son cousin, avec qui il partageait à l’adolescence ses rêves de NBA. S’il ne faisait pas partie des meilleurs espoirs de sa génération, Shai Gilgeous-Alexander a minutieusement forgé son jeu, copiant les plus grand et consignant ses exercices dans un carnet. Un « junkie de basket », selon les mots du vétéran Chris Paul, meneur des San Antonio Spurs aux vingt ans de carrière, que ce trophée est loin de rassasier.
Le Thunder est le favori des quatre équipes encore en lice pour décrocher le titre NBA (Minnesota, les Indiana Pacers et les New York Knicks) et entend bien confirmer cette saison étincelante par un premier sacre. Mais victoire comme défaite, Shai Gilgeous-Alexander ne devrait pas laisser l’émotion le gagner, et continuer à arborer son inénarrable sourire. « Je sais comment fonctionnent le basket et la vie. C’est facile de se la raconter quand vous avez gagné, mais je ne veux jamais leur montrer que je suis vaincu, en colère ou quoi que ce soit de ce genre », expliquait le nouveau MVP, au sortir de la qualification face aux Nuggets.