Après plus dix ans d’enquête, trois mois et demi d’audience et des centaines de pièces et de témoignages, la justice a posé des mots sur ce qui constitue déjà un drame inédit pour notre démocratie.
En ce jeudi 25 septembre, le tribunal correctionnel de Paris a rendu son verdict dans l’affaire des financements libyens présumés de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. L’ancien chef de l’Etat et ses « collaborateurs » Claude Guéant et Brice Hortefeux ont été déclarés coupables d’association de malfaiteurs visant à préparer des actes de corruption avec des représentants de l’Etat libyen. Des peines de prison ferme ont été prononcées à l’encontre des trois individus, ainsi que pour d’autres intermédiaires internationaux.
La tenue d’un tel procès était déjà historique : c’est la première fois qu’un ancien président de la République comparaît pour des soupçons de financement illégal de campagne électorale et de corruption devant un tribunal. Si la dérive démocratique que cette comparution implique est difficile à mettre de côté, force est de constater que seule la justice a réussi à enjoindre le plus haut sommet de l’Etat à rendre des comptes sur sa pratique du pouvoir.
Une procédure pavée d’obstacles
Tenant bon dans cette procédure pavée d’obstacles, la justice a démontré que l’égalité devant la loi n’était ni une pure fiction ni un concept demeuré figé dans les marbres des déclarations révolutionnaires. Même si les enquêtes sont longues, même si elle manque cruellement de moyens face aux puissances économiques, une justice indépendante sera toujours à même de demander compte à tous les citoyens, peu importe leur statut, leur appartenance ou leur pouvoir.
Par le passé, c’est d’ailleurs grâce à l’action des tribunaux, aidés par des associations telles que la nôtre [l’association de lutte contre la corruption et pour l’éthique en politique Anticor], que des responsables politiques, jusque-là intouchables, ont pu se voir demander des explications. Une des premières affaires médiatisées d’Anticor est celle dite « des emplois fictifs de la mairie de Paris ». De hauts responsables politiques avaient été condamnés – un peu tard c’est certain –, traçant la voie de la fin de l’impunité pour les hautes sphères de l’Etat.
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