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Histoires Web dimanche, septembre 8
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Retrouvez tous les épisodes de la série « Batailles d’eau » ici.

Cofondatrice et directrice de l’Institut Momentum, laboratoire de réflexion sur les conséquences des crises écologiques, Agnès Sinaï est l’autrice de Réhabiter le monde. Pour une politique des biorégions (Seuil, 2023). Elle y retrace l’histoire de ce concept, né de la contestation des grands projets d’aménagement des rivières dans la Californie des années 1960, et qui propose de repenser l’occupation d’un territoire à partir des ressources dont il dispose, notamment de l’eau.

L’idée de biorégion est née en Californie dans les années 1970. Dans quelles circonstances a-t-elle été formulée ?

Dans les années 1960-1970, les grandes villes de la côte ouest des Etats-Unis sont le creuset du mouvement hippie et de la contre-culture, qui critiquent la société américaine et le capitalisme. La guerre du Vietnam a marqué les esprits. Dans les universités californiennes notamment, le modèle américain est contesté. En Californie se joue aussi une autre bataille autour de l’eau. Les villes côtières ne disposant pas de ressources propres, elles se sont développées grâce au transfert massif de l’eau des fleuves du nord de l’Etat. Dès 1904, un immense aqueduc a été construit à travers le désert de Mojave. Puis il a fallu détourner le fleuve Colorado afin d’alimenter les robinets de Los Angeles.

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L’urbanisation s’est amplifiée après la seconde guerre mondiale, et de nouveaux projets de grands travaux sont lancés dans les années 1960, dans le cadre du California State Water Project. Ils prévoient de détourner l’eau des rivières du nord de la Californie vers le sud grâce à un immense réseau de barrages, d’aqueducs, de canaux et de pipelines, afin d’alimenter les industries de la baie de San Francisco, et d’irriguer la vallée centrale où se développe une agriculture intensive.

De quelles façons les biorégionalistes s’opposent-ils à ces projets ?

Ils dénoncent la violence de cette occupation, décuplée par l’utilisation de moyens techniques et des énergies fossiles. Dans son ouvrage The Destruction of California (Collier, 1966), Raymond Dasmann critique ce rapport agressif au territoire, sans égard pour les milieux naturels, et au détriment des habitants en aval, notamment les Mexicains, privés de l’eau du Colorado.

Le biorégionalisme propose de repenser l’occupation d’un territoire à partir des ressources dont il dispose, et en premier lieu de l’eau, essentielle à toute vie. Plutôt que de découper les villes et les Etats au cordeau comme c’est le cas aux Etats-Unis, cela suppose de redéfinir les territoires en fonction des fleuves et de leurs bassins versants, c’est-à-dire des zones où ils s’écoulent et qu’ils peuvent alimenter naturellement.

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