Français
English
Deutsch
Italiano
Русский
Español
Serge Rezvani aime tant la vie que celle-ci a décidé de l’en remercier en le gardant le plus longtemps possible auprès d’elle. Dans cet appartement d’artiste – tableaux aux murs et piano – de la rue Notre-Dame-des-Champs, dans le 6e arrondissement parisien, le temps a suspendu son vol. Jusqu’à saisir de vertige le visiteur. Le visage parcheminé, mais le cheveu toujours mi-long, l’homme qui vit là depuis la mort, en 2019, de sa troisième épouse, l’actrice Marie-José Nat, publia son premier livre, tiré à seize exemplaires, en 1947. Agé de 19 ans, Serge Rezvani s’était lié au poète Paul Eluard (1895-1952), qui avait souhaité que les bois gravés de cet inconnu, des estampes réalisées à Nice sur des caissettes de récupération, illustrent son poème Elle se fit élever un palais. Le jeune peintre de Montparnasse était naturellement fauché, en ce temps que les moins de 96 ans ne peuvent pas connaître.
Mais c’est avec un autre art que son nom est resté dans la mémoire collective, comme le rappelle Serge Rezvani. Le tourbillon de mes chansons, coffret en trois volumes qui vient de paraître aux Productions Jacques Canetti. Le premier est consacré aux interprètes historiques. Autant dire qu’il est dominé par Jeanne Moreau (1928-2017), ouvrant le bal avec une version retrouvée en 2022 et orchestrée par François Rauber, l’arrangeur de Brel, de la ritournelle du film Jules et Jim (1962), de François Truffaut. L’actrice a tout de même fait un peu de place posthume à Anna Karina (1940-2019), qui chanta Ma ligne de chance et Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours dans Pierrot le Fou (1965), de Jean-Luc Godard. On découvre aussi que leur consœur britannique Vanessa Redgrave interpréta pour Red and Blue (1967), court-métrage de son époux Tony Richardson, des adaptations en anglais de dix des 12 chansons nouvelles, deuxième album de Jeanne Moreau.
Le premier, paru en 1963 sous le titre Jeanne Moreau chante 12 chansons de Cyrus Bassiak, avait fait connaître le pseudonyme derrière lequel se cachait Serge Rezvani, associant son prénom de naissance (à Téhéran, en 1928) au mot russe désignant un va-nu-pieds. Illustré par une photo de la scène de Jules et Jim où Jeanne Moreau immortalise Le Tourbillon accompagnée à la guitare par son complice rayonnant, il était assorti d’un mot de présentation de François Truffaut. Le cinéaste vantait des chansons « jamais simplistes mais toujours simples, parfois tristes mais jamais larmoyantes, souvent drôles mais sans vulgarité ». Parmi elles, J’ai la mémoire qui flanche, autre classique, La Peau Léon, Le Blues indolent ou La Vie de cocagne.
Il vous reste 73.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
