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Au moins 107 000 personnes manifestent contre la corruption samedi 15 mars à Belgrade, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, qui précise dans un communiqué n’avoir connaissance d’aucun « incident majeur ». Le rassemblement a commencé en début d’après-midi pour une manifestation qui s’annonce historique après des mois de contestation menée par les étudiants serbes. De son côté, le pouvoir a rassemblé ses soutiens – parmi lesquels d’anciens paramilitaires ultranationalistes.

A 16 heures, heure officielle du début de la manifestation, une foule dense était déjà rassemblée sous une pluie fine sur plus de deux kilomètres dans le centre-ville, comptant des dizaines de milliers de personnes au moins, arborant des drapeaux et des insignes allant de la droite nationaliste à l’extrême gauche en passant par les écologistes.

« Pumpaj ! Pumpaj ! » (« Pompe ! Pompe ! »), chantent-ils tous, entonnant le slogan du mouvement, destiné à montrer que leur énergie ne faiblira pas. Beaucoup arborent un pin’s avec une main ensanglantée, symbole du mouvement qui a adopté comme mot d’ordre « la corruption tue ».

Des groupes de motards, de vétérans et le service d’ordre des étudiants, qui assure depuis le début la sécurité du mouvement, étaient disposés dès la mi-journée dans le centre-ville pour éviter les débordements, bloquant notamment l’accès au Parlement et à la présidence, devant laquelle se trouvent les soutiens du gouvernement.

Vitres protégées

Des dizaines de fermiers au volant de leurs tracteurs sont également arrivés en soutien aux étudiants. D’autres tracteurs, amenés par des partisans du gouvernement, ont été installés près de la présidence depuis vendredi matin. Les vitres des bâtiments officiels étaient protégées dès samedi matin, tandis que des policiers antiémeute et des véhicules de gendarmerie étaient visibles à plusieurs endroits. Vendredi soir, ils étaient déjà 31 000, selon le ministère de l’intérieur, à accueillir dans une ambiance festive les manifestants venus à pied, à vélo ou en tracteur de toute la Serbie.

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Les manifestations se succèdent dans le pays depuis l’accident de la gare de Novi Sad, le 1er novembre 2024, qui a fait quinze morts, lorsque s’était écroulé l’auvent en béton du bâtiment tout juste rénové. La colère a explosé, les manifestants voyant dans cet accident la preuve d’une corruption qui, selon eux, entache les institutions et les travaux publics. De semaine en semaine, le mouvement est devenu l’un des plus importants de l’histoire récente de la Serbie, avec des manifestations quotidiennes.

Ces manifestations ont provoqué à la fin de janvier la démission du premier ministre, Milos Vucevic, qui fut maire de Novi Sad de 2012 à 2022. C’est sous son mandat d’édile qu’avaient commencé les travaux de rénovation de la gare, achevés quelques mois à peine avant l’accident.

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Appel à manifester « dans le calme »

Mais les rassemblements se sont tendus depuis que le gouvernement a accusé les protestataires d’être payés par des agences étrangères, de préparer des actions violentes, voire une révolution, notamment lors de la mobilisation de samedi dans la capitale.

Des dizaines de tentes sont apparues devant le bâtiment de la présidence : un campement de soutiens présentés comme des étudiants réclamant de retourner en cours. Mais des militants ultranationalistes connus ont été aperçus entre les tentes.

Des partisans du président serbe, Aleksandar Vucic, campent devant le bâtiment de la présidence avant le grand rassemblement prévu contre la corruption à Belgrade, le 15 mars 2025.

La situation a fait réagir l’Organisation des Nations unies (ONU), qui a appelé les autorités serbes à ne pas « interférer indûment » dans la manifestation et à « respecter l’exercice complet des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression ».

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« Nous sommes un pays extrêmement démocratique », a répondu dans la soirée de vendredi, lors d’une allocution, le président serbe, Aleksandar Vucic. « Nous ferons tout ce que nous pouvons pour sécuriser le rassemblement », a-t-il affirmé, tout en ajoutant aussitôt : « Pour être clair, je suis le président de ce pays, et je ne laisserai pas la rue dicter les règles. »

Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, les étudiants ont appelé à manifester « dans le calme et de façon responsable ». « L’objectif de ce mouvement n’est pas l’incursion dans des institutions ni d’attaquer ceux qui ne pensent pas comme nous (…). Ce mouvement ne doit pas être utilisé à mauvais escient », ont-ils écrit. La manifestation doit commencer à 16 heures devant le Parlement et se disperser à 21 heures.

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« Insatisfaction profonde »

« On voit déjà depuis quelques jours que le régime essaie de faire monter les tensions, analyse auprès de l’Agence France-Presse Srdjan Cvijic, du Belgrade Centre for Security Policy. Ce que tout le monde se demande, c’est si le gouvernement va essayer de créer des situations de violence pour ensuite avoir une excuse pour décréter l’état d’urgence. » « Jusqu’à présent, poursuit le chercheur, on a vu un mouvement qui n’est pas du tout violent (…). Je pense que les manifestants garderont leur calme. »

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« Je crois que le 15 mars démontrera l’insatisfaction profonde des étudiants et des citoyens », avance Maja Kovacevic, présidente de la faculté de sciences politiques de Belgrade. « A cet égard, je pense que ce sera une date importante, mais je ne crois pas qu’on doive suggérer que ce sera une sorte de tournant dans le mouvement, ou qu’il y aura un scénario de type “6 octobre” par la suite », poursuit la professeure, dans une allusion au 6 octobre 2000, lendemain d’une manifestation qui précipita la chute du président Slobodan Milosevic.

A l’époque, « la situation sociale, économique et internationale était très différente », abonde M. Cvijic, citant le fort soutien international aux manifestants de l’époque. Il estime cependant « qu’on peut imaginer une situation où cela marquerait le début de la fin » pour le pouvoir actuel.

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