Meilleures Actions
Histoires Web jeudi, mars 6
Bulletin

ARTE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

Dans la nuit sénégalaise, seul brille l’écran d’un téléphone portable suspendu à une branche d’arbre. Près des huttes du village, un homme discute. Il parle de panneaux solaires et de démarcheurs qui vont arriver. Il s’agit du programme de l’ONG Barefoot College International, proposant aux villageoises de suivre une formation pour apprendre à brancher, entretenir et réparer des panneaux photovoltaïques afin d’apporter l’électricité dans les campagnes.

Les réalisateurs Elise Darblay et Antoine Depeyre ont entrepris de suivre le travail de cette ONG, qui a la particularité d’être représentée par des femmes et de s’adresser exclusivement aux femmes. Ce qui n’est pas sans heurter les traditions patriarcales des Peuls de la région du Fouta-Toro, où ils ont tourné. En cette semaine où les droits des femmes dans le monde sont théoriquement à l’honneur, leur magnifique documentaire s’impose.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le plus dur ne va pas être l’apprentissage. Le plus difficile va être de convaincre les hommes de laisser partir leurs épouses, d’autant que la formation est de quatre mois. La caméra enregistre les refus, village après village, à Kouroukaran, à Oudalaye, à Madi An Dou. « Les hommes nous disent que les femmes ne veulent pas. Et les femmes nous disent que cela dépend des hommes », commente la formatrice. Jusqu’à Wendou Douby, où le chef du village s’investit : « Est-ce que des femmes veulent partir ? Est-ce qu’Awa peut partir ? Son mari est d’accord. » Et d’une. Vont suivre Néné – après avoir désobéi à son mari et fui pour rejoindre le programme – et Aïssata, plus jeune (15 ans).

Modernité et technologies

La musique électro-pop de Jean-François Mory accompagne avec modernité le trajet des trois femmes vers la banlieue de Dakar, à Toubab Dialao, où elles découvrent… les toilettes, les lavabos, l’eau chaude et froide, le confort d’un lit. Elles retrouvent d’autres femmes venues elles aussi pour maîtriser les circuits électriques, les soudures, et découvrir les fonctionnalités d’un smartphone, d’une tablette, d’un ordinateur. Autant de technologies auxquelles elles n’avaient pas accès.

Mais c’est peut-être découvrir la mer qui les amuse le plus, dans une séquence joyeuse et délicate. Avec le temps, chacune se confie. « C’est le paradis, ici ! », lance Aïssata, mariée à un garçon que ses parents ont choisi pour elle. « J’aimerais qu’on sorte des ténèbres au village, dit Awa. Pour avoir du réseau et savoir ce qui se passe dans le monde. » Pendant ce temps, au village, un homme pile le mil. Un autre craint que leurs femmes soient « perverties par ce qu’elles vont voir ou vivre ».

Quatre mois plus tard, dans le van du retour surchargé de paquets, Néné a des écouteurs filaires aux oreilles. Chacune est fêtée, même si certaines réflexions se font entendre. « Une femme qui accepte les ordres de son mari, c’est mieux », estime ainsi un villageois.

De leur côté, Aïssata, Néné et Awa ne peuvent oublier ce qu’elles ont vécu ; elles ne peuvent s’empêcher de comparer avec la monotonie de leur quotidien écrasé de travail. « Là-bas, ça m’éblouissait de joie à chaque fois que je sortais », dit Aïssata. Ici… Néné regarde sa fille de 6 ans, avec déjà un fiancé : « Ce n’est pas bon. Mais nous, les Peuls, faisons ainsi. » Pour combien de temps encore ?

Sénégal, la lumière des femmes, documentaire d’Elise Darblay et Antoine Depeyre (Fr., 2023, 53 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 10 avril.

Réutiliser ce contenu

Share.
© 2025 Mahalsa France. Tous droits réservés.