- Vivaldi
Sacro furore
Œuvres d’Antonio Vivaldi par Carlo Vistoli (contre-ténor), Akademie für Alte Musik Berlin et Georg Kallweit (direction).
Tout Vivaldi en un peu moins de 68 minutes. Impossible de réduire ainsi la production du compositeur aux 500 concertos ? Pourtant, c’est ce que semble avoir réussi la prodigieuse Akademie für Alte Musik Berlin en se limitant à un programme dominé par l’expression du sacré. Ouvertement quand les œuvres (vocales) reposent sur des textes religieux et indirectement quand des pages (orchestrales) traduisent les lamentations des chrétiens, à l’instar d’une Sinfonia « Al Santo Sepulcro », tout en sanglots retenus. Ce suprême esthétique de Vivaldi débute par une partition qui s’abandonne à la griserie répétitive (Concerto en sol mineur) et qui porte la signature inimitable (l’« agitato » orageux) du « Prêtre roux ». Les étourdissantes vocalises du motet Nisi Dominus ou de l’air « In furore iustissimae irae » confient au contre-ténor un rôle quasi opératique alors que le sublime Stabat Mater en fait le chantre de l’émotion chancelante. Dans un registre comme dans l’autre, Carlo Vistoli officie en vivaldien absolu. Pierre Gervasoni
Harmonia Mundi/PIAS.
- Les Paladins et Jérôme Correas
Lucrezia (Portraits of a Woman)
Œuvres de Montéclair, Pasquini, A. Scarlatti, Haendel, Marcello. Avec Sandrine Piau, Amel Brahim-Djelloul, Karine Deshayes, Lucile Richardot. Ensemble Les Paladins, Jérôme Correas (direction).
Le viol odieux de l’héroïne romaine par Tarquin, fils du roi des Etrusques alors occupants de Rome, que l’honneur bafoué mènera au suicide, a inspiré nombre de dramaturges et compositeurs. Jérôme Correas et ses Paladins ont choisi de confronter quatre incarnations musicales, chacune défendue par l’une de nos grandes chanteuses françaises. L’album s’ouvre avec Montéclair, dont Sandrine Piau explore la mini-tragédie lyrique avec un sens de la narration et une vocalité dont la sensibilité force l’admiration. Précédée d’une sinfonia de Pasquini et terminée par un concerto à cinq de Marcello, la cantate d’Alessandro Scarlatti prend tout son sens avec la Lucrezia touchante et résolue d’Amel Brahim-Djelloul, dont la virtuosité et l’engagement séduisent. Parmi les cantates italiennes à voix seule qui lui sont consacrées, la Lucrezia de Haendel est sans doute la plus connue. Cela tient à son sens dramatique et à son extraordinaire qualité d’invention. Toute de noblesse et d’émotion, Karine Deshayes y est simplement inoubliable, tant par la qualité de son interprétation, entre colère et désespoir, que pour l’engagement d’une voix, dont les ressources naturelles semblent sans limites. L’album se referme avec la rare cantate de Marcello, magistralement servie par Lucile Richardot, dont le timbre tragique, l’aisance technique et l’expressivité font mouche. Sous la houlette de Jérôme Correas, Les Paladins s’illustrent avec style et naturel, des ombres de la peur à la brutale explosion de la douleur, suivant en narrateurs les gradations du drame. Marie-Aude Roux
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