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Histoires Web dimanche, novembre 24
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Sarah Abdelnour, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine et chercheuse à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales, est notamment l’autrice de Moi, petite entreprise. Les autoentrepreneurs, de l’utopie à la réalité (PUF, 2017).

Comment expliquez-vous le succès du statut d’autoentrepreneur ?

Il a surtout répondu à un besoin des entreprises d’externaliser une partie de leur main-d’œuvre. Les plateformes numériques comme Uber ont pu émerger en France car elles ont pu demander à leurs travailleurs de se mettre en autoentrepreneurs. La plupart de ceux que j’ai rencontrés cherchaient essentiellement du travail, pas à se constituer une clientèle comme des indépendants traditionnels.

Des statuts similaires existaient déjà, mais cela a marqué une nouvelle étape de simplification administrative avec, derrière, un appui politique et des campagnes de communication qui ont facilité la forte diffusion.

Parmi eux, 56 % disposent d’un autre statut, en parallèle. Ce chiffre illustre-t-il la flexibilité de ce régime ?

Le dispositif a toujours été présenté sous un aspect un peu « couteau suisse », au service du pouvoir d’achat : soit on vous invite à vous inscrire pour sortir des aides sociales, soit vous pouvez cumuler avec un emploi salarié ou fonctionnaire. Dans tous les cas, leur situation économique est dégradée, ce qui génère une inquiétude plus grande sur les autoentrepreneurs à titre principal. La plupart d’entre eux ont un filet de sécurité dans la sphère privée pour lancer leur activité, comme un conjoint salarié, car avec le statut ils n’ont plus de chômage, plus de congés, une perspective de retraite faible.

Quels ont été les premiers métiers à avoir massivement recours aux autoentrepreneurs, et cela a-t-il été favorable à l’emploi ?

C’est toujours éclaté : avec des métiers dans le commerce, le bâtiment… mais essentiellement dans les services aux particuliers. Avec une bipolarité entre des activités qui montrent un profil qualifié (finance, immobilier, services aux entreprises), et d’autres avec un faible niveau de reconnaissance, comme la santé et l’action sociale, le ménage et la restauration.

Il est difficile d’isoler la création d’emploi de la création de richesse, et de sa distribution. Si des entreprises embauchent des gens sous statut d’autoentrepreneur, sans cotisations et sans protection, cela peut dégonfler temporairement les chiffres du chômage, mais on est sur un bilan négatif à long terme. Et cela assèche les caisses de la Sécurité sociale. Le dispositif est porteur d’une philosophie de sortie du salariat, où presque personne ne cotise. Sortir du salariat, c’est aussi sortir d’un modèle social.

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