Meilleures Actions
Histoires Web mardi, avril 15
Bulletin

L’Etat va devoir s’expliquer sur sa politique concernant les « haltes soins addictions », communément appelées « salles de shoot ». Préoccupée par le sort de ce dispositif, l’ONG Médecins du Monde a décidé d’attaquer, lundi 14 avril, l’Etat français « pour inaction avec le lancement de deux recours en contentieux », a déclaré, devant la presse, Céline Debaulieu, sa référente sur la réduction des risques.

Créées en 2016, les deux « salles de consommation à moindre risque », aujourd’hui nommées « haltes soins addictions » (HSA) existant en France, à Paris et Strasbourg, s’adressent aux personnes les plus démunies et exclues du système de soins. Leur expérimentation doit, en principe, s’achever fin 2025.

« A visée nationale et cosigné par la Fédération Addictions », « le premier [recours] porte sur la pérennisation des haltes soins addictions » et le second, « cosigné par Aides, concerne Marseille, où il y a eu impossibilité en janvier 2024 d’aller au bout d’un projet de halte soins addictions », a-t-elle détaillé.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Usage de drogues : les grandes étapes de la « réduction des risques » dans la politique sanitaire

Un recours « historique »

Pour les requérants, « l’inaction » des pouvoirs publics, « voire leur obstruction, face à la création de haltes soins addictions cause des préjudices et relève de la faute », aux dépens de la santé des usagers et usagères de drogues. Après des « courriers amiables » au ministère de la santé restés sans réponse dans le délai imparti, le premier recours, « en carence », est « historique » sur ce sujet de santé publique, a affirmé Me Vincent Brengarth.

« Le ministère de la santé va devoir se justifier de sa politique » et l’espoir est ensuite d’obtenir « une décision du tribunal administratif » d’ici à « douze à dix-huit mois », a précisé l’avocat, selon lequel le jugement national, à la « dimension symbolique importante », pourrait faire « injonction de mesures précises ».

Le second recours vise à obtenir « l’annulation du refus, implicite, de ne pas ouvrir de HSA à Marseille », après « une obstruction politique », a-t-il dit. Le juge pourrait « faire injonction au ministère d’ouvrir une HSA s’il estime un manquement caractérisé et, a minima, de réexaminer la demande ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Drogues : à Paris, les usagers de crack n’ont pas disparu avec les Jeux olympiques

Pour les associations à l’origine de la procédure, les haltes soins addictions ont « prouvé leur efficacité » : elles « offrent des services de soins, de suivi social, d’hébergement, et réduisent les risques liés à la consommation ». Elles font valoir que « divers rapports, y compris ceux demandés par le gouvernement », le dernier datant de l’automne 2024, « soulignent la nécessité d’intégrer ce dispositif dans le droit commun ».

Environ quatre-vingts haltes soins addictions en Europe

Au regard du code de la santé publique, ces haltes sont « l’un des dispositifs assurant le continuum de soins », a noté Catherine Delorme, présidente de la Fédération Addictions. Elles « réduisent les risques directement liés aux consommations mais aussi les conséquences médico-sociales de cette addiction sévère en situation de grande précarité », a exposé le docteur Elisabeth Avril, directrice de l’association Gaïa, gestionnaire de la salle parisienne, évoquant aussi « une amélioration de la tranquillité publique ». Car « la sécurisation de l’espace public » fait également partie des préoccupations des professionnels de santé défendant ces lieux, a assuré Mme Delorme.

Certes, tout « n’est pas parfait, c’est en amélioration permanente, mais les habitants ne se retrouvent pas seuls » grâce à « une équipe identifiée et en permanence dans le quartier », a noté Eric Derosier, membre de l’association de riverains Action Barbès.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « Salle de shoot » à Marseille : « Le message, c’est : continuez à vous injecter dans la rue »

A Marseille, bien que validé par différents acteurs sanitaires, dont l’agence régionale de santé (ARS) et l’AP-HM, le projet de halte soins addictions a fait les frais d’« une décision politique, prise au détriment des enjeux de santé », selon les requérants. En février 2024, la Marseillaise Sabrina Agresti-Roubache, alors secrétaire d’Etat chargée de la ville, s’était félicitée d’avoir « réussi à stopper l’installation d’une salle de shoot à Marseille », a rappelé Mme Debaulieu.

Selon l’Inserm, en 2021, l’accompagnement proposé par les salles de shoot avait permis d’éviter 43 décès, 69 % des surdoses, ainsi que nombre d’infections au VIH et à l’hépatite C. Il existe environ 80 haltes soins addictions en Europe, dont 24 en Allemagne. Chez nos voisins, a affirmé le docteur Avril, « ce n’est plus un débat, c’est un outil ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Drogues : un rapport des inspections valide l’expérimentation des « salles de shoot »

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

Share.
© 2025 Mahalsa France. Tous droits réservés.