« Salazar, le Portugal à quitte ou double », sur France 5 : un dictateur entre double jeu et vraie-fausse neutralité

FRANCE 5 – DIMANCHE 22 DÉCEMBRE À 22 H 45 – DOCUMENTAIRE

1940, l’Europe est en feu. Mais, dans les rues de Lisbonne, capitale préservée du chaos, on fête, en juin, les 800 ans de la fondation du Portugal. Puis, l’été venu, la foule se presse à l’Exposition coloniale qui célèbre le plus vieil empire du monde occidental.

Jusqu’en 1945, Lisbonne restera à l’abri des horreurs des combats. Durant ces années troubles, la nouvelle « ville lumière » du Vieux Continent accueillera des milliers de réfugiés, mais aussi de nombreux espions et des vedettes internationales du cinéma en tournée.

Comment le Portugal, peuplé à l’époque de 7 millions d’habitants, sans armée redoutable et à la position géographique stratégique, réussit-il à rester neutre ? Ce documentaire riche en archives filmées explique cet épisode méconnu en détaillant les méthodes employées par Antonio de Oliveira Salazar (1889-1970), dictateur fasciste qui est aussi, point singulier, allié historique de l’Angleterre, et dont l’obsession est de préserver cette neutralité.

Personnage complexe, économiste de formation, solitaire, anticommuniste viscéral, Salazar, parvenu au pouvoir en 1933, est proche des régimes totalitaires italien et allemand, mais il n’adhère pas à la vision raciste d’Hitler et trouve Mussolini « grotesque ». Il est aussi lié à Churchill, car le Portugal dépend de la marine anglaise pour son ravitaillement. Une position paradoxale, entre Londres et Berlin, qui permettra à son pays de rester officiellement neutre tout au long de la guerre.

Livraison de tungstène

A plusieurs reprises pourtant, le Portugal a failli basculer dans le chaos. L’annexion du Portugal par l’Espagne, vieux rêve de Franco, a failli survenir en décembre 1940, mais Salazar parvient à convaincre Churchill de livrer 10 000 tonnes de blé à une Espagne exsangue après la guerre civile, à une double condition : que Franco ne rejoigne pas les puissances de l’Axe et qu’il renonce au Portugal.

Fin 1941, Salazar s’offre la bienveillance de Berlin tout en remplissant les caisses de l’Etat en signant un accord pour la livraison massive de tungstène (dont le Portugal possède les plus grosses réserves d’Europe), minerai indispensable à l’effort de guerre allemand.

Churchill est fou de rage ? Salazar acceptera, en 1943, que les Alliés installent enfin aux Açores, territoire portugais en plein océan Atlantique, une base aérienne et un centre de télécommunications, indispensables pour protéger leurs convois militaires.

En échange, le fondateur de l’Estado Novo (« Etat nouveau ») obtient des Britanniques la survie de son régime. Ce qui ne l’empêche pas de vendre du tungstène aux Allemands jusqu’au 4 juin 1944. Un dictateur maître du double jeu, jusqu’à la fin de la guerre.