Le premier ministre, François Bayrou, a réitéré ses propos concernant les négociations en cours sur les retraites, estimant que selon lui, un retour un âge légal de départ à 62 ans, n’est pas envisageable. « [Les partenaires sociaux] qui sont autour de la table se sont engagés, ou en tout cas ont été engagés, à ne pas dégrader l’équilibre financier du système de retraites », a déclaré le locataire de Matignon, mardi 18 mars, lors de la séance de questions au gouvernement, évoquant aussi un « contexte démographique [le vieillissement de la population] qui déséquilibre le système (…) continuellement ». Dans ces conditions, supprimer la réforme de 2023 et revenir à un âge légal de départ en retraite à 62 ans, « ce n’est pas possible », a insisté M. Bayrou, qui s’est dit « persuadé que les partenaires sociaux dans leur ensemble en viendront à une conclusion de cet ordre ».
Le premier ministre avait déjà suscité dimanche la colère à gauche et parmi les syndicats en répondant par la négative à une question sur un retour à la retraite à 62 ans, alors que les négociations entre partenaires sociaux sur une possible réforme de la réforme, engagées en février, sont censées durer encore deux mois.
Le syndicat Solidaires, représentatif dans la fonction publique, a annoncé mardi qu’il ne participerait pas à une discussion sur les retraites des fonctionnaires prévue mercredi, en dénonçant « un simulacre de négociation » après les propos du premier ministre.
L’U2P claque la porte
Après Force ouvrière, l’organisation patronale U2P a quitté les négociations. Dans un communiqué, diffusé tôt mardi 18 mars, l’organisation annonce son départ pour tenter de « contribuer à une prise de conscience générale ». « Est-il vraiment sérieux, dans [un] contexte de déficits structurels et de projections alarmantes, de continuer à emprunter la voie d’un retour de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans ou d’une réduction de la durée d’activité requise ? », s’interroge-t-elle dans un communiqué, prônant au contraire « des mesures drastiques pour rétablir l’équilibre de nos régimes sociaux ».
L’U2P est la première des trois organisations patronales représentatives (les autres étant le Medef et la CPME) à quitter la table. Côté syndicats, FO était parti dès le premier jour, disant pour sa part ne pas vouloir « participer à une mascarade » dont le but serait d’allonger la durée du travail.
Dans la foulée de l’allocution d’Emmanuel Macron, le 5 mars, appelant à un effort budgétaire au vu des bouleversements géopolitiques en cours, l’U2P rappelle que « le paysage international ne cesse de se transformer » et que « le chef de l’Etat a appelé à un effort financier inédit afin de renforcer notre puissance militaire ».
Elle mentionne aussi les 51 milliards d’euros dépensés en 2024 « à fonds perdu » pour rembourser les intérêts de la dette, et les calculs de la Cour des comptes, selon laquelle la réforme de 2023 – qui prévoit le départ à 64 ans – engendrera elle-même un déficit d’une trentaine de milliards d’euros en 2045.
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« Le bateau France est en train de prendre l’eau et l’orchestre des partenaires sociaux continuerait de jouer comme si de rien n’était ? L’U2P s’y refuse », ajoute dans le communiqué son président, Michel Picon. L’U2P estime que l’équilibre du régime des retraites « imposera de repousser l’âge légal de départ au-delà de 64 ans », sauf pour les métiers difficiles. L’organisation considère « qu’on ne pourra pas échapper » à une indexation des pensions inférieure à l’inflation, sauf pour les retraités les plus modestes.
« Pas réaliste » pour Montchalin
Lundi, la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, avait jugé qu’un retour à 62 ans n’était « pas réaliste », dans le contexte d’effort militaire à venir et d’« impératif » d’un équilibre financier des retraites. Le ministre de l’économie, Eric Lombard, avait pour sa part tenté de rappeler, dimanche, que c’est normalement « le conclave » des partenaires sociaux « qui doit se prononcer ».
Mardi, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a mis en garde le gouvernement sur BFM-TV/RMC, le menaçant d’une censure s’il n’honorait pas son engagement de laisser aller « jusqu’au bout » les négociations entre partenaires sociaux.
Le conclave « n’est pas mort », a estimé pour sa part la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, mardi sur RTL, jugeant « important que ces concertations aillent jusqu’à leur terme ». « Les syndicats peuvent regarder [la question d’un retour à 62 ans] si tant est que l’équation financière est là et qu’il y a un compromis aussi avec le patronat », a-t-elle estimé.
Après les propos de M. Bayrou, la CFDT a fait savoir qu’elle comptait demander au premier ministre « s’il confirme ses propos » lors d’une rencontre déjà programmée entre le syndicat et M. Bayrou, mardi. « La sortie du premier ministre est incompréhensible. Tout était soi-disant sur la table. [Il] vient de changer la règle », a dénoncé la CFDT, dans un message transmis à l’Agence France-Presse.
La CGT interroge, elle, ses instances, réunies lundi et mardi, sur l’attitude à adopter dans le cadre de ces négociations.