Le « conclave » sur les retraites, lancé il y a trois mois et demi, n’a pas débouché sur un accord mardi 17 juin, date butoir prévue. Une ultime réunion a été annoncée pour le 23 juin, mais le flou demeure tant sur le contenu que sur les participants.
A l’issue d’une longue journée de tensions entre représentants de salariés et du patronat, et alors qu’il était quasiment minuit, la CFDT et la CFTC, deux des partenaires sociaux à la table des négociations depuis le 27 février, ont annoncé cet ultime round.
« On a surtout évité ce soir de dire qu’on a échoué et une dernière tentative, l’opération de la dernière chance, a été tentée par l’animateur du conclave », a résumé Christelle Thieffinne, négociatrice de la CFE-CGC. C’est Jean-Jacques Marette, médiateur expérimenté dans les négociations entre patronat et syndicats, qui animait ce conclave.
« On va réfléchir si on vient entièrement le 23, ou qu’au début, ou pas du tout », a toutefois précisé Pascale Coton, négociatrice de la CFTC, « en colère » devant la tournure prise par la concertation mardi.
Dans la foulée, le Medef, principal représentant du patronat et accusé par les syndicats d’être à l’origine du blocage, a également dit ne pas avoir décidé s’il serait autour de la table lundi. « J’irai devant nos instances pour voir avec elles notre conduite, savoir si nous allons à la réunion », a confié à la presse sa négociatrice, Diane Milleron-Deperrois.
Quant à Christelle Thieffinne, elle va, elle aussi, « en parler » à ses « instances, pour voir si nous venons lundi prochain ». « Mais le compte n’y est pas à mes yeux, car le but du conclave était d’équilibrer le système des retraites, et à mon avis, là, l’effort va reposer sur les retraités », a développé cette responsable de la CFE-CGC. « Je ne suis pas super optimiste » pour un accord, a-t-elle conclu.
Le patronat accusé de « planter la négo »
Une conclusion un peu confuse, loin de l’accord que Matignon avait promis de soumettre au Parlement, au terme d’une journée de discussions laborieuses. Le premier ministre, François Bayrou, avait annoncé lundi qu’il donnerait quelques jours supplémentaires aux cinq partenaires encore présents : CFDT, CFTC, CFE-CGC, côté syndical, Medef et CPME, côté patronal.
Entamées à 9 h 30, les discussions se sont arrêtées à 11 h 30, le temps d’un long déjeuner pour chaque camp. « L’après-midi, on a repris à 15 heures, on a parlé de pénibilité, puis à 16 heures, il y a eu une interruption de séance de deux heures à la demande du patronat et ils reviennent pour proposer… rien », a regretté en soirée Christelle Thieffinne.
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La concertation a repris vers 18 heures. Avec une partie patronale qui « plante la négo », selon l’accusation lancée par la représentante de la CFE-CGC, qui a décrit une « ambiance tendue ». Pas question pour autant pour ce syndicat de partir : « C’est à eux, la partie patronale, de nous dire qu’ils refusent d’avancer. »
Lors de cette longue journée, les syndicats ont rappelé qu’ils voulaient en particulier obtenir que la pénibilité et l’usure soient prises en compte pour pouvoir partir avant 64 ans, l’âge légal fixé par la réforme Borne de 2023. Parmi les autres « points durs », la CFTC a également mis comme « ligne rouge » – objectif impératif – le passage à 66 ans de l’âge de départ sans décote (contre 67 ans), également rejeté par le patronat.
« Dans la dernière ligne droite, tout ce qui a été impossible dans la journée – nous avons flirté avec l’échec – a été en partie ouvert », a décrit Yvan Ricordeau, négociateur de la CFDT. « Ça a été plutôt bien ouvert sur la pénibilité, plutôt difficilement ouvert sur la question de l’âge de l’annulation de la décote », a poursuivi ce responsable du premier syndicat français.
Un instant de vérité pour François Bayrou
Les syndicats ont en tout cas enterré la proposition sortie du chapeau, lundi, par François Bayrou d’une « prime » pour inciter les salariés seniors à retarder leur départ à la retraite. « Ce n’est ni une demande d’une organisation syndicale, ni d’une organisation patronale. Elle n’a fait l’objet d’aucun chiffrage et d’aucune étude de faisabilité, et pour l’instant, elle n’a pas été évoquée », a souligné Yvan Ricordeau à la mi-journée.
Même si cela ne faisait pas grand mystère depuis le début, le Medef a entériné le 10 juin qu’il ne bougerait pas sur l’âge de départ à 64 ans. Ce qui n’est pas forcément une fin de non-recevoir pour les syndicats. Tout dépendra de ce que le patronat peut lâcher en termes de carrière des femmes, de pénibilité, ou d’augmentation de cotisations sociales.
La réussite ou non de ce « conclave » est un instant de vérité pour le premier ministre, qui avait lancé ce nouveau format de discussions après un compromis noué avec les socialistes pour éviter une censure du gouvernement.
L’idée de ce conclave était principalement de rendre moins impopulaire la réforme des retraites Borne de 2023, qui porte progressivement de 62 à 64 ans le départ à la retraite. Tout en visant l’équilibre financier, alors que le déficit du système est annoncé à 6,6 milliards d’euros en 2030.
FO avait claqué la porte dès la première réunion le 27 février, la CGT et l’U2P (organe patronal pour les artisans) avaient à leur tour quitté mi-mars ce processus prévu initialement pour s’achever le 28 mai.